Préaccord collégial : questions sur des questions (21/12/2015)
Le préaccord collégial est illégitime et nuisible ; mais atteint-il au moins le but qu’il se fixe ? Si ce but est bien celui qu’il affiche ostensiblement, on a des raisons d’en douter. Les statuts de la C.A.A.C. sont ambigus, et l’objet de l’entretien du préaccord l’est aussi. Officiellement, il porte sur trois points : la motivation à devenir enseignant en particulier dans l’enseignement catholique ; la connaissance du projet spécifique de l’enseignement catholique ; l’adéquation entre ce projet et le projet personnel du candidat. Mais les questions posées portent-elles vraiment sur ces sujets ?
Il est curieux d’entendre parler « du » projet de l’enseignement catholique, puisque chaque établissement a son propre projet éducatif – même si la plupart sont en fait réécrits par la direction diocésaine, ou rédigés dans la langue de bois qui y est en vigueur : c’est-à-dire une suite de pétitions de principes inspirées de notions vagues, dont il est impossible de deviner comment elles sont mises en application.
Voici toutefois quelques questions posées, classées en trois catégories, et tâchons de savoir si elles permettent d’évaluer la connaissance du projet (ou des projets) de l’enseignement catholique, la motivation du candidat et l’adéquation de ses aspirations avec ce projet.
La première catégorie est celle des questions fumeuses, comme celles qu’on m’a posées et que j’ai commentées dans mon livre : « Quelle est votre conception de la discipline ? Saurez-vous travailler en équipe ? » La réponse à ces questions, ne saurait apporter aucune preuve que le candidat sût effectivement maintenir la discipline, ou effectivement travailler en équipe. De plus, la question sur la discipline est hors sujet, puisque ce mot ne figure pas dans le projet de l’enseignement catholique.
La seconde catégorie est celle des questions arbitraires, ou dont on peut tirer argument dans un sens ou dans l’autre, selon les besoins de la cause. Ainsi, comme j’avais déclaré avoir fait toute ma scolarité à l’école catholique, on me rétorqua : « C’est bien aussi d’aller voir ailleurs. » Soit. Mais voici une déclaration glanée sur un blogue : « Il m’a été reproché de me présenter [aussi] au concours de la fonction publique, mais j’ai des exemples contredisant ce motif de refus : d’autres étudiants, tout en passant le C.A.P.E.S. (qui plus est sans être catholique le moins du monde et ne s’en cachant pas), ont obtenu le préaccord cette année. »
La troisième catégorie est celle des questions délirantes, comme celle-ci, glanée sur un autre blogue : « Comment enseigner l’éducation physique et sportive selon l’Evangile ? » La personne à qui cette question fut posée commente : « Je ne comprends pas, personnellement... » A son second entretien, on lui demanda : « Ne vous sentez-vous pas en transe quand vous entrez dans un établissement catholique ? » Sans commentaire. Une lectrice me fait part de cette question qui lui fut posée (dans l’académie de Toulouse) : « Comment je réagiriez-vous face à deux élèves qui se bagarrent parce qu’ils n’ont pas eu leur dose de drogue ? » La réponse indiqua au jury que la candidate avait « une vision idéalisée de l’enseignement » !
Que conclure de ces questions, dont j’espère que mes lecteurs me fourniront d’autres exemples ? Que, selon toute vraisemblance, les commissions de la C.A.A.C. jugent sur d’autres critères que ceux qu’elles annoncent ; notamment des critères de compétence qui ne sont pas de son ressort mais (en vertu des contrats) relèvent du concours. C’est ce que M. Tercinier (directeur des ressources humaines) me déclara benoîtement : « Ils préfèrent choisir de bons professeurs, plutôt que des professeurs catholiques. » Soit. Mais cette sélection ne fait pas partie de la raison d’être officielle du préaccord.
Le critère religieux n’est pas non plus énoncé de manière claire dans les statuts de la C.A.A.C. Il n’est pas toujours abordé dans les entretiens (c’est compréhensible : certains projets éducatifs n’y font aucune allusion). « Ils ne posent pas de questions sur ta religion, tu as le droit d’être athée ou ce que tu veux ils s’en foutent ! » Ou, sur un autre blogue : « Quand je parle de cas extrêmes d’incompatibilité [avec le projet de l’enseignement catholique], je ne parle pas de religion… » Et celle-ci, dont je souligne les derniers mots : « Enseigner dans le privé, ce n’est pas obligatoirement être chrétien, bien au contraire. » Ces deux dernières remarques viennent d’un professeur en poste de longue date dans l’enseignement catholique.
En réalité, on verra bientôt que la question religieuse est présente, mais pas toujours dans le sens qu’on attendrait.
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