Sévérac-le-Château : le Sacré-Cœur cambriolé ! (28/01/2016)

Comme son nom l’indique, Sévérac-le-Château est dominé par un château qui, malgré sa fière allure, nous intéresse ici moins que le collège Sacré-Cœur qui se niche modestement au flanc de la colline. Il n’est pas là depuis le moyen âge, mais existe tout de même depuis 1880. C’est trop, semble-t-il, aux yeux de la direction diocésaine, qui a décidé de le faire disparaître.

Premier épisode

Voici comment Centre-Presse Aveyron exposait l’affaire le 6 janvier dernier : « L’établissement quitte l’ombre du château pour s’en aller trouver la lumière à Laissac. Ce projet de déménagement d’envergure, en cours d’étude par le comité de pilotage mis en place par l’enseignement diocésain, est le fruit d’une réflexion conduite déjà depuis près d’un an. Et le moteur d’une ambition dont le collège a bien besoin pour endiguer l’inexorable hémorragie de ses effectifs. » Le collège comptait en effet 110 élèves en 2005, contre 80 aujourd’hui et seulement 70 prévus à la rentrée prochaine.

Puis la parole est donnée à M. Bauquis, directeur diocésain, pour qui « il est urgent d’agir ». « Les études démographiques sont là pour nous convaincre que notre avenir nous porte plus vers Laissac, car le danger de fermeture du collège tel qu’il est aujourd’hui est bien réel. […] Ce projet à Laissac est pertinent, tant en terme d’intérêt général que d’aménagement du territoire. »

Laissons de côté l’image du « passage de l’ombre à la lumière », qui naît sous la plume du journaliste, lequel rapporte que ce « déménagement d’envergure » est « le fruit d’une réflexion conduite déjà depuis près d’un an ». Il est pittoresque de qualifier de « déménagement d’envergure » le déplacement de soixante-dix élèves seulement, qui tiendraient presque dans un seul autocar. Si l’« inexorable hémorragie » des effectifs est réelle, l’« envergure » du déménagement est faible. A moins que ce ne soit la distance de 25 km que les élèves auraient à parcourir pour se rendre à Laissac, qui lui donne son « envergure » ?

Il est dit que la réflexion est conduite « déjà depuis près d’un an ». Déjà ? Ne devrait-on pas dire : « Depuis moins d’un an seulement », autrement dit quelques mois, qui ont suffi au directeur diocésain pour conclure qu’il est « urgent d’agir » ? Et depuis quand était-il opportun d’agir, avant que cette urgence ne surgisse ? Si le collège comptait 110 élèves en 2005, soit vingt-sept ou vingt-huit élèves par classe, il se trouvait dans une situation idéale. Avec 100 élèves en 2014, il restait vingt-cinq élèves par classe. Rien à redire. C’est donc depuis 2015 seulement que la baisse des effectifs est devenue un éventuel problème. L’« urgence » évoquée par M. Bauquis n’est pas le résultat d’un lent déclin arrivée à son point critique. Dès que le problème s’est posé, M. Bauquis l’a instantanément qualifié d’« urgent ».

Quatre-vingts élèves, cela en fait encore vingt par classe. Descendre au-dessous présenterait (semble-t-il) des inconvénients. Mais pour qui ? Pas pour les élèves, ni sans doute pour les parents, qui se plaignent au contraire trop souvent de classes surchargées. La seule raison valable pourrait donc être pécuniaire.

Toutefois, peut-être par crainte d’être vulgaire, M. Bauquis n’avance pas cet argument : « Les études démographiques sont là pour nous convaincre que notre avenir nous porte plus vers Laissac, car le danger de fermeture du collège tel qu’il est aujourd’hui est bien réel. » D’autant plus réel que c’est lui-même qui ordonne de le fermer ! Car prétendre déplacer un collège sans le fermer, c’est se moquer du monde. Il y aura peut-être continuité de la personne morale, de l’entité juridique, mais on pourra dire qu’il n’y a plus de collège catholique à Sévérac, et que le collège catholique de Sévérac n’est plus.

M. Bauquis ajoute : « Ce projet à Laissac est pertinent, tant en terme d’intérêt général que d’aménagement du territoire. » Mais on ne sache pas que le directeur diocésain ait un mandat au service de « l’intérêt général ». Il est même le défenseur d’intérêts particuliers. Il n’y a pas de mal à ça. Que dirait-on d’un syndicaliste prônant à ses mandataires la fermeture de leur entreprise au nom de l’intérêt général et de l’aménagement du territoire ? Ce sont des réalités qu’il est naturel de prendre en compte, mais leur défense incombe d’une part à des administrations, d’autre part à des élus qui, justement, s’opposent au projet. Enfin, M. Bauquis semble concevoir de l’aménagement du territoire au rebours de son acception courante : n’est-ce pas au contraire un effort pour répartir les services, plutôt que de les concentrer ?

M. Bauquis déclare que « notre avenir nous porte plus vers Laissac », mais on se demande qui il entend par « nous ». Car il ne parle ni du directeur, ni des professeurs, ni des élèves (sauf pour les compter comme des têtes de bétail), ni surtout des parents. Il serait facile d’invoquer leurs doléances. Ou bien ces doléances existent et il oublie de les invoquer, ce qui est maladroit ; ou bien elles ne vont pas dans son sens, et il les passe sous silence, ce qui est fâcheux.

On a lu que le déménagement du collège Sacré-Cœur était le « moteur d’une ambition ». Posons la question à M. Bauquis : l’ambition de qui, et au service de qui ?

 

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