Le pluralisme tautologique (04/02/2016)
Pourquoi ce fameux C.O.D.I.E.C., doté par les statuts de l’enseignement catholiques de pouvoirs exorbitants, reste-t-il dans l’ombre, tandis que la personnalité du directeur diocésain, si falote soit-elle, reçoit la lumière ? La réponse est dans la composition de ce comité, dont la recette est un chef-d’œuvre digne de servir de modèle à tous les apprentis usurpateurs.
Comme toute commission qui se respecte, le C.O.D.I.E.C. a un président : l’évêque. Puis viennent les « membres de droit » : le directeur diocésain (nommé par l’évêque) et, le cas échéant, son ou ses adjoints (nommés par l’évêque). Ils ne sauraient donc (en principe) exercer que les pouvoirs que celui-ci détient.
Or ces pouvoirs ne comprennent ni la sélection des professeurs, ni la nomination des directeurs, ni la suppression ou le déplacement d’une école. Voilà pourquoi il faut d’autres membres, dont la présence à l’intérieur du C.O.D.I.E.C. permettra au directeur diocésain de subtiliser les prérogatives. Ce sont les « membres titulaires », issus de six collèges : 1° les tutelles (désignées en pratique par la direction diocésaine, ou, si elles sont congréganistes, liées à elle par des conventions) ; 2° les chefs d’établissements (nommés par la direction diocésaine) et les présidents des O.G.E.C. ; 3° les représentants des organismes nationaux ; 4° la communauté professionnelle (professeurs, sélectionnés par la direction diocésaine au moyen du préaccord, et personnels délégués par leurs syndicats) ; 5° les parents (ou, pour mieux dire, l’Apel monopolistique) ; 6° les formateurs et animateurs en pastorale (nommés par l’évêque).
La répartition des sièges « respecte les proportions suivantes » : un quart au moins de membres de droit et de représentants des tutelles (tous nommés par l’évêque ou son délégué) ; un quart au moins de membres du collège des établissements (O.G.E.C. et chefs d’établissements, ces derniers nommés par le directeur diocésain) ; un tiers au moins pour les autres collèges. Observons que, sous couvert de pluralisme, ces proportions donnent presque à coup sûr la majorité aux membres appartenant à la direction diocésaine ou nommés par elle.
Au lieu d’avoir affaire à des Apel solidaires entre elles et susceptibles, par exemple, de soutenir l’Apel du Sacré-Cœur de Sévérac-le-Château, le directeur diocésain met dans sa manche les délégués des Apel qui siègent au C.O.D.I.E.C. Même chose pour ceux des O.G.E.C. On ne s’étonne plus que le C.O.D.I.E.C. de Rodez ait voté à l’unanimité la suppression du Sacré-Cœur, sans se soucier de l’opposition de l’Apel et de l’O.G.E.C. locales. L’unanimité est l’état naturel de ce comité.
Cette unanimité est favorisée par la constitution éventuelle de commissions ad hoc, par les soins du directeur diocésain. Les salariés qui sont à sa disposition ont tout le loisir de peaufiner des dossiers que les membres de ces commissions, puis du C.O.D.I.E.C., n’ont plus qu’à entériner. Une commission habilement composée, étant encline à voter en faveur du projet auquel elle a collaboré, évite tout risque de mise en minorité du projet diocésain par le C.O.D.I.E.C., si tant est qu’un tel risque subsistât.
Il pourrait en être autrement si le pluralisme était assuré par un mode de fonctionnement strict. Or les statuts de l’enseignement catholique, d’ordinaire si détaillés (à défaut d’être clairs), stipulent que c’est le C.O.D.I.E.C. lui-même qui « se dote d’un règlement intérieur qui précise ses règles d’organisation et de fonctionnement » (expression qui, soit dit en passant, est une belle tautologie). Un seul point est imposé, la « mise en place d’une commission exécutive ». Et qui présidera cette commission ? Vous avez deviné : c’est le directeur diocésain !
Ajoutons que « lorsqu’une région comprend plusieurs académies, un C.R.E.C. est institué », que « lorsque les périmètres des académies et des régions coïncident, le C.A.E.C. fait office de C.R.E.C. », que « lorsque les périmètres du diocèse, de l’académie et de la région coïncident, le C.O.D.I.E.C. fait office de C.A.E.C. et de C.R.E.C. », et enfin que « les modalités de mise en œuvre des orientations arrêtées en C.A.E.C. et en C.R.E.C. sont décidées par les C.O.D.I.E.C. ». Vous n’y comprenez rien ? Normal : c’est étudié pour. Retenez seulement que le C.O.D.I.E.C., le C.A.E.C. et le C.R.E.C. ont un point commun : leur secrétaire général est toujours, de par les statuts… le directeur diocésain.
Ainsi organisée, la direction diocésaine, filiale de l’administration dite « enseignement catholique », n’est pas monolithique. C’est encore pire : elle est un sac de nœuds dont les ficelles ligotent tout le monde, sauf le directeur diocésain, qui en tient les deux bouts entre ses petites mains. Chapeau, l’artiste !
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