Humble supplique aux directeurs diocésains (11/02/2016)

Afin de me renseigner et d’informer mes lecteurs, j’ai l’occasion de visiter les sites des diverses directions diocésaines et de lire les éditoriaux rédigés par les directeurs de ces administrations. Ce n’est pas par plaisir, croyez-moi. Qu’ils écrivent comme des pieds, ils n’y peuvent rien, les pauvres. Mais je les supplie, au nom des gens de goût comme des amoureux de la vérité, de cesser de transformer leurs éditoriaux en prêches.

Je ne suis sans doute pas le seul à qui le style sirupeux, enjôleur et cafard de ceux qui prêchent sans en avoir le talent ni en avoir reçu la mission donne la nausée. Comme en outre les directeurs diocésains n’osent pas trop annoncer carrément la couleur, de peur de faire fuir le chaland, ils adoptent un style chafouin, tournant autour du pot, piochant dans l’Evangile ce qui n’engage pas à grand’chose, pour le malaxer avec des lieux communs tirés, dans le meilleur des cas, de la sagesse populaire, et dans le pire, du programme  d’instruction civique. Le tout barbotant dans un bouillon insipide d’évidences et de platitudes, et entrelardé de citations bibliques, pontificales ou philosophiques qui peinent à relever la saveur de ce brouet.

Prenons le cas de M. Roucher, directeur diocésain des Yvelines. Comme je lui ai déjà adressé un petit bonjour (et une question à laquelle il n’a pas répondu), ça tombe sur lui… Pas de chance. Il nous explique que l’Evangile « peut interroger chacun sur son agir ». Bon. Il parle de « dignité inaliénable » de l’homme ; je vois bien qu’on puisse perdre sa dignité, ou la voir bafouée, mais l’aliéner ? Pas facile à concevoir. Enfin, au terme d’un pénible exercice tendant à identifier les mots liberté, égalité et fraternité (les trois seuls qu’il prend soin de souligner) à des préceptes chrétiens, il définit « une égalité qui refuse toute forme d’indifférenciation pour accueillir la diversité et favoriser la complémentarité ». Vaste programme !

Dans son éditorial de janvier 2015, Mme Le Normand, de l’Oise, qualifie l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo d’« événement hors norme » qui « a excédé dans sa brutalité toute logique et toute causalité ». Ah ? Suivent diverses affirmations en forme d’aphorismes, au sens incertain ou douteux : « Sans la liberté d’expression, le monde est en danger », ou encore : « Dans ce monde en émoi qui ébranle nos certitudes, gardons-nous de tout amalgame. »

De même, après les attentats du Bataclan, M. Héritier, de l’Ardèche, exhorte à « faire communauté », et il invite à un « questionnement sur la fraternité ». Petite mention à M. Biasori-Poulanges, de la Dordogne, inventeur de l’expression « sens de la relation aux autres au sein de la vie sociale ». Quant à M. Plaigne, de l’Isère, il indique que les établissements ont été amenés à « relire leur pratique relationnelle », ce qui a permis « l’écriture d’orientations fortes », avant de nous apprendre que l’enseignement catholique est « confessant plutôt que confessionnel » et que « chaque personnes est invitée à s’interroger sur sa relation à l’intériorité ».

Franchement, nous n’en demandons pas tant. C’est assez que vous dépouilliez les parents de leurs prérogatives. Epargnez-nous un prêchi-prêcha et une bondieuserie qui ne font que souligner par contraste la sécularisation de trop d’écoles catholiques. Les prêches de nos pasteurs nous suffisent, et le sermon est comme le théâtre : c’est toujours mieux joué par des professionnels que par des amateurs. La prudence aussi commande le silence, car beaucoup d’entre vous étant d’anciens professeurs, certains parents pourraient, à lire pareille littérature sous votre plume, se laisser envahir par une certaine angoisse !

Si encore vous prêchiez la bonne parole ! Mais vous en prêchez de mauvaises. Alors faites votre métier, puisque métier il y a, et laissez les parents et les prêtres faire les leurs. Vous n’êtes pas nos pasteurs, et nous ne sommes pas vos ouailles.

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