Recrutement sous la contrainte (07/03/2016)

Les jurys du préaccord collégial dépouillent illégitimement et illégalement les chefs d’établissements des prérogatives que la loi leur accorde. Mais les directions diocésaines ne se contentent pas de cette demi-usurpation. Elles se comportent en propriétaires des établissements, traitent les chefs d’établissement comme de vulgaires subordonnés et emploient des méthodes qui dépouillent les écoles des dernières miettes de leur liberté. L’exemple de Paris est éloquent.

La loi Debré de 1959 prévoit que les professeurs de l’enseignement privé sont recrutés par les chefs d’établissements parmi les lauréats d’un concours identique au C.A.P.E.S., mais qui est un concours d’aptitude et non de recrutement. C’est ce qui explique que le C.A.F.E.P. compte plus de lauréats que de postes proposés. La direction diocésaine élimine les lauréats « surnuméraires » au moyen des jurys de la C.A.A.C., qui sont illégaux puisque la direction diocésaine n’a aucun lien juridique avec les professeurs, et illégitimes puisqu’ils empiètent sur les prérogatives des directeurs.

Mais, après avoir limité le choix des directeurs en ramenant le nombre de lauréats au nombre de postes disponibles, elle se garde bien de transmettre la liste des lauréats (établie par le rectorat) telle quelle aux chefs d’établissements. Car elle dispose d’un service des « ressources humaines » qui prend en main le recrutement des professeurs. Ceux-ci ne sont pourtant pas ses employés, et signent un contrat de travail non avec le directeur diocésain mais avec l’organisme de gestion et le directeur de l’établissement où ils enseignent.

A Paris, ce service, dont le responsable est M. Tercinier, ne propose qu’un seul candidat pour chaque poste disponible. Et si le chef d’établissement a le toupet de refuser celui qu’on lui attribue, il doit justifier son choix, et par écrit. C’est ce qui ressort de la façon la plus claire de la circulaire adressée par M. Tercinier à propos des « mouvements intradiocésains », en janvier 2015. Depuis les accords Lang-Cloupet de 1992, le « mouvement » des professeurs obéit dans le privé aux mêmes règles que dans le public. C’est ce qui explique que cette circulaire de deux pages et demie soit accompagnée de pas moins de huit pièces annexes.

Ce qu’il faut en retenir est la phrase suivante : « En cas de refus de nomination par un chef d’établissement, celui-ci doit motiver son refus par écrit. » Vous avez bien lu. C’est bien la direction diocésaine qui nomme, et la seule latitude qui reste au directeur est d’accepter ou de refuser cette nomination. Et encore, en cas de refus, doit-il se justifier par écrit.

Il faut avoir conscience que si un chef d’établissement osait écarter ouvertement un candidat parce qu’il n’est pas catholique, ou qu’il mène une vie contraire à celle que préconise la morale catholique, il tomberait sous le coup des lois contre la discrimination. Il est donc dans une position intenable. D’autant plus qu’il courrait le risque de déplaire à la direction diocésaine (qui s’est arrogé le droit de le nommer lui-même…), laquelle pourrait lui envoyer un candidat encore moins à son goût, ou le faire lanterner afin de lui pourrir la vie. Cela en dit long sur la notion d’« équipe pédagogique » employée à l’envi dans les « projets pédagogiques » ! Avec une telle méthode, il n’y a pas plus d’équipe pédagogique que de beurre en branche.

Voilà pourquoi un certain nombre de professeurs avisés prennent soin d’envoyer leur candidature directement aux chefs d’établissements, qui les réclament alors à la direction diocésaine. Celle-ci déteste que les directeurs prétendent exercer leur droit légal à recruter les professeurs. C’est ce qui explique l’exclamation furieuse de M. Tercinier, apprenant qu’un professeur qui n’était pas à son goût avait pu être recruté par un établissement : « Mais comment avez-vous pu arriver là ? »

Avantage subsidiaire, ce système pesant et coûteux permet à la direction diocésaine de diviser pour régner. A un directeur soucieux de faire régner un esprit vraiment catholique dans son école, on enverra les professeurs les plus rétifs à cet esprit. Quant aux professeurs qui souhaiteraient vivre et faire partager leur foi au sein d’une école catholique, on les attribuera aux directeurs qui, sous couvert de belles paroles, ne se soucient que de remplir leurs classes et d’afficher de bons résultats aux examens. Les uns et les autres seront ainsi neutralisés. Et comme le devenir professionnel des uns et des autres dépend désormais de la toute-puissante direction diocésaine, on remplace la liberté par la docilité.

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