Sévérac-le-Château : le Sacré-Cœur en accusation (04/04/2016)
Vendredi 1er avril, le président de l’O.G.E.C. Sacré-Cœur Bon-Pasteur de Sévérac était assigné en référé au tribunal de grande instance de Rodez par la direction diocésaine pour « non-respect des statuts de l’enseignement catholique ». La direction diocésaine lui reproche de ne pas avoir signé l’avenant au contrat d’établissement permettant le transfert du collège du Sacré-Cœur de Sévérac, où il existe depuis 1880, à Laissac.
Septième épisode
Faute de cette signature, la direction diocésaine ne peut donner corps à la fiction du « transfert » du Sacré-Cœur. Du coup, le collège qu’elle envisage de construire de toutes pièces à Laissac serait un nouvel établissement, qui n’aurait le droit de solliciter un contrat avec l’Etat qu’au bout de cinq ans d’existence, puisque les contrats lient l’Etat à chaque établissement et non à l’enseignement catholique en général. Il s’agirait donc d’un collège hors contrat. Horreur ! C’est la bête noire de l’enseignement catholique dit « diocésain », car les statuts de l’enseignement catholique tirent l’essentiel de leur autorité de la confusion entre les obligations qui découlent du contrat et celles qui semblent émaner de ces statuts eux-mêmes. Les écoles hors contrat sont en effet libres de recruter les professeurs et le directeur sans tenir compte des diplômes exigés par l’éducation nationale : ils n’auraient pas besoin d’autre diplôme que le bac et seraient, en pratique, dispensés de passer par les fourches caudines des jurys de la C.A.A.C. Au fait... pourquoi pas un collège hors contrat à Laissac ? Si le besoin existe, que la population est suffisante, c’est ce que M. Bauquis ferait, si le vrai souci des directions diocésaines était de servir les parents et les écoles et non de conforter leur pouvoir.
En outre, la fermeture du collège à Sévérac et sa recréation de toutes pièces à Laissac entraînerait la rupture des contrats de travail et des licenciements dont il resterait à prouver qu’ils découlent d’une cause réelle et sérieuse.
Les trois requérants sont M. Bauquis (directeur diocésain), M. Gayraud (président de l’U.D.O.G.E.C.) et l’union Saint-François de Salles (autorité de tutelle). La Dépêche du Midi rapporte que leur avocat, Me Bringer, soutient la « nécessité, pour tout président, d’obéir aux statuts de l’enseignement catholique et au C.O.D.I.E.C., seul habilité à décider des ouvertures, fermetures ou transferts d’établissement ». Il ajoute que le président de l’O.G.E.C. « ne collabore pas avec le chef d’établissement alors qu’il doit respecter une certaine forme d’obéissance religieuse ».
La direction diocésaine souhaite donc que soit nommé un administrateur provisoire afin de signer l’avenant au contrat en lieu et place du président de l’O.G.E.C. Voilà qui rappelle l’affaire de Sainte-Marie-Jeanne-d’Arc de Langon : quand un O.G.E.C. n’obéit pas au doigt et à l’œil, la direction diocésaine en fabrique un autre. Ce qui, soit dit en passant, prouve que le devoir d’obéissance de l’O.G.E.C. est imaginaire. Car pourquoi cette signature est-elle nécessaire si, comme la direction diocésaine l’affirme, « le C.O.D.I.E.C. est seul habilité à décider des ouvertures, fermetures ou transferts d’établissement » ? Si c’est vrai, la signature du président de l’O.G.E.C. n’est pas nécessaire. Si elle est nécessaire, c’est que c’est faux.
En outre, comment le C.O.D.I.E.C., présidé par l’évêque et dont le directeur diocésain (nommé par l’évêque) est secrétaire général, pourrait-il jouir de droits que l’évêque lui-même n’a pas ? Nulle part le droit canon n’interdit à un fidèle, seul ou en association, de fonder une école, confessionnelle ou laïque. Le collège du Sacré-Cœur, fondé en 1880, est bien antérieur aux statuts de l’enseignement catholiques et n’est pas une fondation du diocèse. Quel lien de sujétion juridique lie l’O.G.E.C. à ces statuts aux fondements incertains ? Le seul droit de l’évêque est de dire si cet établissement est catholique – ce qu’il ne conteste pas.
De même, en quoi l’O.G.E.C. serait-il tenu d’obéir à l’U.D.O.G.E.C., qui n’est qu’une association fédérant les O.G.E.C. ? On pourrait admettre que l’U.D.O.G.E.C. décide qu’un O.G.E.C. ne mérite plus de faire partie de cette fédération. Mais en quoi une fédération d’associations pourrait-elle dicter les faits et gestes d’une de ses adhérentes ? Si c’était nécessaire, il faudrait que tous les établissements diocésains fussent gérés directement par l’U.D.O.G.E.C., association unique disposant de filiales locales – exactement le contraire de ce qui existe.
Le plus fort est de reprocher au président de l’O.G.E.C. de ne pas « collaborer avec le chef d’établissement ». Car ce dernier, quoique nommé (indûment) par le directeur diocésain, est en réalité employé par l’O.G.E.C. et non l’inverse. C’est lui qui a un devoir d’obéissance. Du reste, comment cette absence de « collaboration » serait-elle une faute, puisque les parties attribuent le pouvoir de décision soit au C.O.D.I.E.C., soit à l’O.G.E.C., mais en aucun cas au chef d’établissement ? L’expression « une certaine forme d’obéissance religieuse », employée par l’avocat de la direction diocésaine, laisse rêveur. Son caractère flou et évasif prouve assez que cet avocat serait bien en peine d’exhiber un article quelconque du droit canon ou du catéchisme qui exigerait, en l’espèce, cette obéissance de la part de l’O.G.E.C. ou des parents, qui sont des laïcs, dans une question dont les aspects dogmatiques ou pastoraux sont absents.
Le seul organisme qui a un droit de regard sur le collège est son organisme de tutelle, à savoir l’union de Saint-François de Sales. Mais cette tutelle est, en pratique, absorbée et digérée par la direction diocésaine par le biais de l’inévitable C.O.D.I.E.C. Elle n’apparaît, depuis le début de l’affaire, que de manière lointaine et indirecte, et pour être d’accord à tous les coups avec le directeur diocésain. On ne voit pas bien d’ailleurs en quoi le Sacré-Cœur aurait trahi l’esprit de saint Jean Bosco. Et, si c’était le cas (ce qui n’a jamais été dit), on ne voit pas non plus pourquoi cet esprit soufflerait mieux à Laissac qu’à Sévérac. D’autant plus que, si cet esprit était trahi, il faudrait réclamer la dissolution du collège et non son transfert, ou encore lui interdire de se réclamer de l’esprit salésien. Or, il n’en est pas question.
Excluant devoir s’expliquer sur le fond du dossier, M. Bromat, juge des référés, a précisé qu’il statuerait sur la seule question de « savoir si l’association Sacré-Cœur Bon-Pasteur doit être assistée dans son administration ». Voilà une bonne question. Le collège du Sacré-Cœur a obtenu au brevet les meilleurs résultats du département. Son O.G.E.C. et son Apel font cause commune pour en défendre l’existence. Il semble donc que cette association ait rempli sa mission pour la plus grande satisfaction de ses mandants – dont la direction diocésaine ne fait pas partie.
Les défenseurs du collège du Sacré-Cœur ou, pour mieux dire, ses responsables légaux et moraux, ne s’y trompent pas. Me Aoust, leur avocat, déclare : « Si conflit et dysfonctionnement, il y a, ce n’est assurément pas au sein de l'O.G.E.C. Si urgence il y a aujourd'hui, elle n’est pas du ressort de l'O.G.E.C. mais plutôt le résultat d’une institution parallèle qui met au grand jour ses méthodes. A quoi sert un O.G.E.C. si une décision peut être prise par quelqu’un d’autre ? »
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