Mme Saliou la suffragette (10/04/2016)
J’ai écrit que Mme Saliou battait la campagne. Je me suis trompé. Elle est en campagne… électorale. Voilà pourquoi la bouillie qui s’étale d’ordinaire dans l’éditorial de Famille et Education se répand cette fois sur trois pleines pages, accompagnée de deux photos flatteuses prises par un photographe professionnel ! J’avais oublié que le congrès de l’Apel, en juin, était aussi l’occasion d’élire (ou de réélire) le président de l’association. Cet oubli a une excuse : il n’en est pas question une seule fois dans le journal. Cet entretien exclusif que les journalistes ont, à force de supplications, arraché à la discrète Mme Saliou, est en fait sa profession de foi électorale !
A quoi sert Famille et Education ? En tout cas, pas à informer les parents des enjeux de l’élection du président de l’Apel. On espère sans doute qu’ils laisseront l’affaire se conclure dans l’ambiance chaleureuse du congrès, entre gens « positifs » et « constructifs ». Y aura-t-il d’autres candidats que la candidate sortante ? C’est ce qu’on n’apprendra pas. Il faudra se contenter de la profession de foi de Mme Saliou.
Celle-ci élude avec soin les sujets qui fâchent. C’est une seconde nature chez les responsables de l’Apel : les congrès ont à cœur de mettre sur la table des sujets dont il sera impossible de tirer le moindre enseignement pratique, comme, cette fois-ci : « Pourquoi l’école ? » C’est vrai, ça, hein, pourquoi l’école ? Et pourquoi l’Apel n’a-t-elle pas averti des dangers de la réforme Haby, en 1975, origine du désastre actuel et de la présente réforme ? Et pourquoi l’Apel n’a-t-elle pas averti que les accords Lang-Cloupet de 1993 étaient une atteinte à la liberté de choix des professeurs par les établissements ? Les « pourquoi » ne manquent pas. Les réponses sont plus rares.
L’Apel, proclame Mme Saliou, est « libre de toute allégeance politique », et il est vrai qu’elle entérine sans piper mot toutes les directives ministérielles, de droite comme de gauche. Elle ajoute que cela « ne lui interdit pas d’approuver une réforme ministérielle qui donne de l’autonomie aux établissements ». De l’approbation servile de cette réforme, elle ne dira rien de plus : il faut donc bien que je m’en mêle. Ce mensonge de l’autonomie, je l’ai entendu répéter à l’école de ma fille par le petit télégraphiste de l’Apel, M. Lefèvre, alors adjoint au président de l’Apel de Paris. Pour illustrer cette « autonomie » illusoire qui, en tout état de cause, ne concerne que les collèges publics, il citait un exemple… à l’école primaire. Il se gardait bien de dire que, dans l’école de ses propres enfants, l’Ecole normale catholique, il faudra désormais payer un supplément pour continuer à faire du latin au collège ! On ne peut pas être plus faux-cul.
Mme Saliou déclare l’Apel « libre de toute appartenance », ce qui implique qu’elle ne se soucie pas d’avoir des positions en harmonie, par exemple, avec la doctrine catholique. Elle ajoute que « nul n’est propriétaire de l’école ». Admettons que nul ne soit propriétaire de l’école en général. C’est une belle idée. Reste que chaque école en particulier a des propriétaires, qui peuvent notamment en posséder les murs : un particulier (ma propre grand’mère en possédait une), une association (en ce qui concerne Gerson), une société (en ce qui concerne Stanislas), une congrégation. Et chaque école a des responsables : le président de l’O.G.E.C., une tutelle congréganiste. Or la direction diocésaine nomme les directeurs (par une interprétation abusive du statut de l’enseignement catholique) et les professeurs (par un détournement de la loi), décide d’autorité de la suppression des établissements qui n’ont pas l’heur de lui plaire, et prélève sur les inscriptions une dîme qui lui permet, petit à petit, de devenir propriétaire des murs des écoles après s’être emparé de tout le reste. Elle se comporte, en somme, en propriétaire. Mme Saliou s’en accommode, ou ne s’en aperçoit pas.
Quand on a dit que « nul n’est propriétaire de l’école », il reste à rappeler que les parents ont « le devoir et le droit premier » d’éduquer leurs enfants. Ce n’est pas un droit de « propriété », certes. Mais c’est un droit et un devoir inaliénables.
Mme Saliou conclut que « tous les parents, sans exception, sans exclusion, qui partagent cet idéal de liberté ont vocation à participer au débat lancé par l’Apel ». Cet « idéal de liberté » s’accommode, comme on le constate, d’une sujétion toujours plus grande des écoles. En outre, quand on rappelle que l’Apel est au service de tous les parents, il ne faut pas ajouter : « tous les parents qui… » Tous les parents, c’est tous les parents, et pas « tous les parents qui… ». Tous les parents, même ceux qui « ne partagent pas »… Tous les parents, même ceux qui ne sont pas « positifs et constructifs ».
La campagne électorale était lancée... mais pas le débat. Maintenant, il l’est.
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