Des contrats en or (03/05/2016)

Pourquoi le secrétariat général de l’enseignement catholique et l’Apel ont-ils préféré se mettre leurs mandants à dos, plutôt que de révéler que des menaces pesaient sur les contrats des collèges qui n’appliqueraient pas la réforme à la lettre ? Parce que ces contrats sont, pour le secrétariat général (et ses filiales les directions dites diocésaines), une mine d’or. D’or, et pas seulement d’argent, car ils sont l’instrument de leur pouvoir. C’est la prunelle de leurs yeux. L’idée qu’on pourrait s’en passer ne doit pas être insufflée dans les esprits.

C’est grâce aux contrats d’association et au mode de recrutement des professeurs que le secrétariat général a prospéré sur le dos des écoles pour devenir une administration toute-puissante – qui se drape dans une fausse légitimité ecclésiale. Mais la véritable source de son pouvoir n’est pas l’Eglise : c’est l’Etat.

Quand les écoles catholiques étaient libres, elles recrutaient elles-mêmes leurs professeurs et choisissaient leurs directeurs. Sans les contrats qui ont permis aux professeurs d’être rémunérés par l’Etat, jamais elles n’auraient eu l’idée de déléguer ces tâches essentielles.

Mais, dès lors que les professeurs ont été recrutés par l’Etat, les directions dites diocésaines ont trouvé le moyen de se faire confier par l’administration la liste des lauréats aux concours. Puis, loin de la transmettre loyalement aux écoles dans son intégralité, elles se sont transformées en bureau de placement. Elles ont éliminé les lauréats qui n’avaient pas l’heur de leur plaire. A Paris, M. Canteneur exige même des établissements une réponse écrite en cas de refus d’un candidat proposé par ses soins.

De même, par une interprétation fallacieuse des statuts de l’enseignement catholique (qui ne reposent sur aucune base canonique ni juridique), les directeurs diocésains nomment les directeurs, alors qu’il ne leur est accordé, quand l’établissement est sous tutelle congréganiste, que le droit de rencontrer un candidat et de donner leur avis. Ils s’assurent ainsi la docilité de tout professeur désireux de devenir directeur un jour, et des directeurs dont ils ont fait leurs obligés.

Au fil du temps, ce système est devenu un vaste réseau de gestion de carrières, d’un établissement à l’autre, d’une direction diocésaine à l’autre. Avec des subordonnés, des frais, des déplacements, bref, tout ce qui manque à la carrière d’un professeur ordinaire qui fait son honnêtement métier.

Qu’a-t-on sacrifié en échange ? Le caractère catholique des écoles, échangé contre un indéfinissable « caractère propre ». Pour éclairer cette obscure notion, on évoque à plaisir le fait d’être « ouvert à tous ». Comme si les écoles laïques ne l’étaient pas ! Et, surtout, comme si ce point était l’objet d’un choix délibéré, alors qu’il n’est nullement exigé par le droit canon mais tout simplement par la loi Debré de 1959. L’enseignement catholique a le droit de se targuer d’être « ouvert à tous ». Mais il n’a pas le droit de ne pas l’être…

Pour que jamais ces contrats ne fussent remis en cause, on s’est interdit de critiquer les réformes imposées depuis cinquante ans. On a renoncé à la diversité des écoles pour adopter le funeste collège unique. On a imité la charte de la laïcité voulue par le ministre.

Peine perdue : la réforme qui fait aujourd’hui l’unanimité contre elle (moins deux voix : celles de M. Balmand et de Mme Saliou) révèle que le piège s’est refermé. Il faut maintenant appliquer la réforme, ou perdre les contrats.

Cela ne dépend pas du secrétariat général. Ni des directeurs diocésains. C’est à chaque établissement de se poser la question : conserver son contrat… ou le résilier ? La liberté a un prix.

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