Indépendance, autonomie, ou... soumission ? (19/05/2016)

Dans ses déclarations à la Croix de 2010 que j’ai citées, M. Mirieu de Labarre déclarait que les établissements soumis à son administration étaient « autonomes mais pas indépendants, puisqu’ils relèvent d’une tutelle de l’Église ». Il en concluait qu’ils sont à l’abri de toutes les dérives qui menacent les écoles indépendantes, autrement dit hors contrat. Non seulement cette conclusion est risible, quand on connaît l’état de certains établissements qui continuent à se dire catholiques, mais les prémisses elles-mêmes en sont douteuses.

C’est justement sur le sujet de « l’autonomie à l’échelle de l’établissement » que M. Balmand doit intervenir lors du colloque organisé par S.O.S. Education sur le thème : « L’école de demain : plus d’autonomie pour plus d’efficacité », qui aura lieu le 7 juin à la maison de la Chimie, à Paris.

Si l’on en croit M. de Labarre, l’Eglise aurait le droit d’exercer une tutelle sur les écoles catholiques. En pratique, cette tutelle est exercée par les directeurs diocésains (via le C.O.D.I.E.C.), eux-mêmes chapeautés par un secrétaire général. Celui-ci devient, de ce fait, une sorte de prélat d’un nouveau genre incarnant l’Eglise en tant que tutrice des écoles. Tout cela n’est pas canonique, et à peine légal. Est-ce au moins légitime ?

Rapprochons les propos de M. de Labarre de ceux de M. Balmand dans la Vie, à l’occasion de sa prise de fonction, en 2013 : « Ce qui est premier, c’est la mission éducative de l’Eglise… » Or, dans les documents mis à la disposition des fidèles, on cherche en vain ce qui, dans cette mission, pourrait bien justifier ou même suggérer la création d’un secrétariat général tel qu’il existe. L’Eglise remplit en effet d’une part une mission d’éducation, mais qui est confiée de plein droit et tout entière aux seuls parents. Une autre mission revient au clergé, c’est une mission d’enseignement, qui ne concerne pas les mathématiques, la gymnastique ou la menuiserie, mais l’enseignement de la foi exclusivement.

Cette fâcheuse et récurrente confusion entre ce qui est ecclésial et ce qui est clérical conduit à justifier l’existence d’une administration qui n’est ni l’un, ni l’autre.

Revenons au distinguo de M. de Labarre entre « autonomie » et « indépendance ». Les écoles hors contrat se disent souvent « indépendantes », parce qu’elles ne dépendent ni des subsides de l’Etat, ni de la prétendue tutelle diocésaine. Admettons donc un instant, pour les besoins de la discussion, que les écoles sous contrat, autrefois appelées libres, soient autonomes. En quoi consiste cette autonomie ?

L’autonomie est le « droit de s’administrer librement dans le cadre plus vaste d’un pouvoir central ». C’est une notion politique. Dans les trois cas qui viennent en premier lieu à l’esprit, l’Ecosse, la Catalogne et l’Allemagne, l’autonomie accorde toute liberté dans le domaine de l’éducation (en réalité, l’enseignement) : définir les filières et les programmes, nommer les professeurs ou en fixer les conditions de recrutement, établir les horaires et les dates des vacances.

Les établissements privés sous contrat ne jouissent d’aucun de ces droits. Mais ce n’est pas tout : le peu d’autonomie que la loi Debré de 1959 leur concède devrait leur permettre de choisir leur directeur et leurs professeurs. Or ces deux libertés sont confisquées par les directions dites diocésaines.

Que reste-t-il à décider par l’école elle-même ? Pas grand’chose. Choisir entre les géraniums et les pétunias pour décorer les balcons, entre la blouse bleu marine et le tablier à fleurs, entre les crêpes et la barbe-à-papa le jour de la fête de l’école.

La conclusion est que les écoles privées sous contrat ne sont ni autonomes, ni indépendantes. M. de Labarre a donc parlé pour ne rien dire. Pour traiter de « l’autonomie à l’échelle de l’établissement » au colloque de S.O.S. Education, M. Balmand devra faire de même. Il essaiera même de prouver que cette autonomie va s’accroître grâce à la réforme du collège qu’il a approuvée. Il y parviendra, n’en doutons pas : c’est son métier.

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