M. Balmand, un nouveau Moïse ? (20/12/2016)

Sur le site de la fondation Saint-Matthieu, organisme chargé d’aider au financement des écoles catholiques sous contrat, on peut lire, sous la plume de M. Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique, les nouvelles Tables de la loi, à lui révélées par une autorité inconnue. Une version nouvelle, perverse dans sa conception et hérétique dans son contenu, de la mission éducative de l’Eglise.

Le titre même de l’article de M. Balmand résume l’esprit de son entreprise : « L’Eglise porte une responsabilité éducative qu’elle nous confie. » Il est presque impossible de dire autant de sottises en aussi peu de mots. L’Eglise, certes, porte une responsabilité « éducative ». Mais M. Balmand joue à plein sur la confusion de sens entre « instruction » et « éducation ».

L’Eglise a la charge d’enseigner la foi, pas la comptabilité, la mécanique ou les belles-lettres. La mission du pape, des prêtres et de ceux qui les assistent est de faire le catéchisme. Pas d’apprendre à lire et à écrire aux marmots. Bien entendu, ouvrir des écoles est une œuvre de charité que de nombreux laïcs et ecclésiastiques ont entreprise. Mais ils ont aussi ouvert des asiles, des soupes populaires, des vestiaires, sans qu’il faille en déduire que l’Eglise a pour mission, en tant que telle, de loger, nourrir et vêtir la population.

Il y a donc ici tromperie sur la nature de la « mission éducative » de l’Eglise. Mais il y aussi tromperie sur ceux à qui cette vraie mission (la transmission de la foi) est confiée en tant que « droit et devoir premiers », comme le dit le catéchisme: il s’agit des seuls parents. Quand M. Balmand dit que cette mission « nous » est confiée, de qui parle-t-il ? Pas des parents, puisque ceux-ci, au sein de l’enseignement catholique sous contrat, sont censés être représentés par l’Apel. Il parle en son propre nom. Il prétend que cette « mission éducative » est confiée à l’administration qu’il dirige, émanation plus ou moins légitime de l’évanescente conférence des évêques. C’est une usurpation pure et simple. Dans le corps de l’article, il nuance sa formule en disant que cette mission est confiée « notamment » à l’enseignement catholique, par quoi il entend l’enseignement sous contrat, exclusivement.

En réalité, répétons-le, elle est confiée exclusivement aux parents. A qui il revient d’inscrire librement leurs enfants à l’école laïque publique ou privée, ou catholique sous contrat ou hors contrat, ou à aucune école si ça leur chante. Il s’agit bien d’une mission ecclésiale, mais qui est confiée, comme le rituel du baptême l’exprime sans détour, aux parents. En l’espèce, l’Eglise n’est pas le clergé, ni une quelconque organisation dépendant obscurément d’une réunion d’évêques : ce sont les parents.

M. Balmand affirme : « C’est au nom de cette mission ecclésiale que l’École catholique se doit d’être ouverte à tous. » Mais si les parents désirent que leurs enfants soient élevés en compagnie d’autres enfants baptisés, c’est leur droit le plus strict. L’enseignement catholique devrait leur en offrir, entre autres, la possibilité. Ils ont d’ailleurs le droit et le devoir de veiller aux fréquentations de leurs enfants, de préférer pour eux la compagnie d’enfants bien élevés plutôt que de garnements, ou encore d’enfants parlant leur langue natale plutôt qu’une autre. A l’inverse, ils peuvent choisir de les mêler à des enfants de tous les milieux et des toutes les nations. C’est ainsi qu’il existe des écoles bourgeoises, des écoles rurales, des écoles pour enfants précoces, pour enfants attardés, pour aveugles, pour sourds, des écoles multilingues, des maîtrises, etc.

M. Balmand, n’ignore rien de tout cela. Il sait aussi que si l’enseignement sous contrat doit être ouvert à tous, c’est à cause des contrats et pour aucune autre raison. Il prétend avoir « clarifié » ce point : « Nos établissements parce qu’ils sont catholiques sont ouverts à tous et c’est parce qu’ils sont ouverts à tous qu’ils peuvent être juridiquement associés à l’Etat par contrat… Nous ne sommes plus dans la logique du et mais dans celle du parce que. » Mais, pour se donner l’air de trancher un point de jurisprudence, M. Balmand invente pour les écoles catholiques une obligation qu’elles n’ont pas.

D’abord, l’article de la loi qui oblige les écoles sous contrat à être ouvertes à tous prouvent qu’elles n’étaient pas forcées de l’être. Ensuite, d’innombrables cas prouvent qu’une école catholique a le loisir refuser l’inscription d’enfants non baptisés. En Angleterre, quelqu’un qui m’est proche a dû produire le certificat de baptême de ses enfants pour les inscrire dans une école catholique. Et encore est-il vérifié que les parents vont à la messe le dimanche ! Ces écoles sont-elles en contravention avec le droit canon ? Ou les règles de l’Eglise diffèrent-elles d’un côté et de l’autre de la Manche ?

Mais c’est un souci permanent de M. Balmand, qui visiblement sert deux maîtres à la fois, de prétendre qu’il n’y a jamais aucune contradiction entre les exigences des contrats et le caractère propre des écoles catholiques. La Solution ? Evacuer du « caractère propre » tout ce qui peut être conforme à la vraie foi et à la saine doctrine. Nous venons d’en voir un bel exemple.

En voici un autre, et c’est un point cher à M. Balmand, puisque c’est ce qu’il affirmait déjà lors de sa prise de fonction : « Ce qui est demandé à l’enseignement catholique, ce n’est pas d’éduquer des chrétiens mais d’éduquer chrétiennement tous les enfants. » Voilà encore une phrase séduisante, mais spécieuse, à laquelle il ajoute, prudent : « Ce qui n’empêche pas, bien sûr, d’apporter une éducation chrétienne aux enfants des familles chrétiennes. » Non seulement cela ne devrait pas être empêché (bien que ce le soit quelquefois), mais c’est une ardente obligation, sans laquelle une école catholique ne mérite pas son nom.

Eduquer de jeunes chrétiens, on devine ce que c’est. Et c’est la mission des parents. Mais qu’est-ce qu’« éduquer chrétiennement » ? Se comporter en chrétien dans le métier de professeur, sans doute. Mais un professeur catholique qui exerce dans une école laïque a exactement le même devoir. Il ne dispense pas pour autant un enseignement « catholique ». De même, un libraire peut se comporter « chrétiennement » en vendant les livres profanes, tandis qu’une librairie catholique se doit de vendre des livres de piété.

Quelle est donc la différence entre une école laïque tenue par des chrétiens, et une école catholique ? La fondation Espérance Banlieue, par exemple, n’ouvre pas des écoles catholiques. Chacun sait pourtant que ses fondateurs puisent leur inspiration dans la foi chrétienne. Ils élèvent chrétiennement des jeunes, mais n’élèvent pas de jeunes chrétiens, et ne prétendent donc pas à l’appellation « catholique ».

A l’opposé, une école qui se pare de cette appellation se doit de donner à tous ses élèves, baptisés ou non, la possibilité de rencontrer le Christ en personne. La vie de Jésus et le contenu de la Bible doivent donc être enseignés à tous, sans exception. Sinon, cette appellation n’est plus qu’une étiquette sur un produit frelaté, une enseigne commerciale évocatrice de gentillesse une peu gnangnan, de propreté bien astiquée, de discipline bleu marine, de réussite aux examens et de fréquentations de bon aloi. C’est bien ainsi que l’entendent trop de responsables d’écoles catholiques et de parents d’élèves. Quand on y pense, le discours sur une école « ouverte à tous » en sort quel que peu chiffonné !

Quant à l’affirmation selon laquelle « aucune obligation ne nous est faite d’appliquer les méthodes mises en œuvre ou préconisées par l’éducation nationale », elle se passe de commentaires. On se contentera d’en rire.

Le résultat est une apostasie doublée d’une tromperie sur la marchandise, puisque marchandise il y a. La conclusion appartient à M. Balmand lui-même : « Si nous faisions la même chose que l’école publique, nous n’aurions aucune raison d’être. » On ne peut pas mieux dire.

 

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