Quand l’oiseau fut mis en cage (15/02/2017)
Le vote de la loi Debré s’est accompagné de la mise en place d’un secrétariat général bien différent de ce qu’avait été le comité diocésain de l’enseignement catholique. Mais, pour devenir le monstre tentaculaire qu’il est aujourd’hui, il lui fallait neutraliser les véritables détenteurs de la mission éducatrice : les parents. Autrement dit, transformer les associations de parents d’élèves en simples courroies de transmission de ses orientations et de ses décisions.
Petite histoire d’une démission (3)
L’épiscopat accepta la loi Debré avec des réticences. Mais, de la part des parents d’élèves, ces réticences étaient de l’inquiétude, voire de l’angoisse.
L’éditorial du numéro de janvier 1960 de Famille éducatrice, premier numéro après le vote de la loi, disait : « Le mois dernier, je vous disais mon inquiétude. Les différents textes préparés par le ministre de l’éducation nationale imposaient à toutes les écoles de dispenser un enseignement neutre, c’est-à-dire de renoncer à ce qui faisait leur raison d’être. Le projet déposé sur le bureau de l’assemblée était sur ce point conforme à la volonté de M. Boulloche. »
M. Boulloche, ministre de l’éducation, s’était démis de ses fonctions le 19 décembre 1959 car le projet n’allait pas assez nettement dans le sens d’une intégration à l’éducation nationale. Il était en effet issu du parti socialiste, où il retourna aussitôt après sa démission. On comprend que l’éditorial de Famille éducatrice évoque « l’angoisse qui nous étreignait à l’heure décisive des débats ».
De même, en mai 1960, M. Laune, président national des Apel, parlait ainsi du contrat d’association à la délégation nationale de Lille : « Ce contrat conduit à l’intégration pure et simple d’une partie des classes ou du personnel d’un établissement secondaire ou technique. » Il ajoutait : « Il serait dangereux de voir y souscrire certaines de nos écoles, car cela créerait un précédent et ouvrirait la porte, au terme des neuf ans, au transfert des contrats simples en contrats d’association eux-mêmes aboutissant à l’intégration. » Et de conclure : « Les catholiques ne peuvent accepter aucune intégration immédiate ou différée, qui ferait perdre aux écoles jusqu’à leur raison d’être. »
Pourtant, par la suite, l’épiscopat, relayé par le secrétariat général, n’a jamais cherché à établir les rapports des écoles libres et de l’Etat sur des bases plus saines. Car le secrétariat général avait l’intention d’accomplir ce que la loi n’avait pas permis : centraliser toutes les décisions et tous les moyens. L’intégration voulue par M. Boulloche, et imparfaitement réalisée par la loi Debré, allait être menée par le secrétariat général lui-même.
Mais il fallait au préalable neutraliser les Apel, qui non seulement s’étaient montrés plus lucides, mais qui représentaient les seuls éducateurs légitimes.
A la délégation nationale des Apel de novembre 1967, les huit fédérations départementales de l’académie de Paris demandèrent que la responsabilité de négocier avec les pouvoirs publics fût confiée à l’Unapel. Bien entendu, il n’en fut rien. Dans toutes les négociations qui suivirent la loi Debré, ce fut un représentant de l’épiscopat qui négocia avec le gouvernement. Chose paradoxale dans une république laïque. Mais non moins paradoxale quand on sait que, dans l’Église, la responsabilité éducatrice revient aux parents et non aux clercs.
Des années durant, il fallut batailler à propos des décrets d’application, de la prorogation de la loi, de la loi de 1971, de la loi Guermeur de 1977, du forfait d’externat, etc. Cela fit oublier toute réflexion sur l’obtention d’un statut plus juste et plus sûr pour les écoles catholiques.
Déjà, en 1970, le vice-président de l’Apel de Paris publia une lettre ouverte de démission dans laquelle il dénonçait « le refus systématique d’une doctrine cohérente et suivie, la démobilisation tranquillisante des esprits et l’inféodation inconditionnelle au secrétariat général ». A ces reproches, on peut ajouter l’« opacité financière » dénoncée l’an dernier par M. Malcouronne, ancien président de l’Apel de Paris, lui aussi démissionnaire.
Cette même année 1970, comme pour illustrer cette inféodation, le secrétariat général imposa aux Apel, comme délégué général, M. Rigal. Celui-ci avait été dix-huit années durant commissaire général des scouts de France, qu’il avait plongés dans une crise profonde, provoquant de nombreuses démissions. Peu à peu, les fortes personnalités de l’Apel furent écartées. Le type idéal du président de l’Unapel est la personnalité falote et servile de Mme Saliou. Mais le stade suprême a été atteint avec M. Mirieu de Labarre, successivement président de l’Unapel… puis secrétaire général ! *
Aujourd’hui, il suffit de consulter les pages en ligne de l’Apel pour se rendre compte qu’il n’y est question que de galettes des rois et de crêpes au sucre, de peinture au doigt et de papier crépon, avec de temps en temps, pour faire sérieux, quelques conférences sur des sujets qui ne fâchent pas. Dans sa cage, l’oiseau ne peut plus voler, mais il pépie encore.
* Un lecteur attentif me signale que le cas s’était déjà produit avec M. Daniel, tour à tour président de l’Unapel de 1980 à 1985 et secrétaire général de 1994 à 1999.
02:28 | Lien permanent | Commentaires (0)