La voix de son maître (01/07/2020)

L’assemblée générale extraordinaire de l’Apel de Saint-Jean de Passy n’a pas été seulement extraordinairement ennuyeuse, mais extraordinairement instructive. Du moins pour ceux qui ne savaient pas encore que le rôle de l’Apel n’est pas de défendre les parents d’élèves, mais de servir de courroie de transmission et de caisse de résonance aux projets de la direction diocésaine ou, à l’échelon national, du secrétariat général. Cette assemblée a aussi été un exemple de tentative de manipulation des foules.

Douzième épisode

L’assemblée s’est tenue sur une scène ornée d’un crucifix dont la présence n’est pas incongrue dans une école catholique, mais qui ne doit pas faire oublier que l’Apel est une association non confessionnelle. Ce qui rend tout aussi paradoxale la présence du P. de Vandière, curé de Notre-Dame de Grâce de Passy et aumônier du collège du même nom, mais non membre de l’association. Cet accessoire et ce figurant n’étaient là que pour l’ambiance.

L’assemblée se tenait en présence de Mme Durin, adjointe du président de l’Apel de Paris. Choisie non pour son talent oratoire (visiblement), mais parce que le président, étant parent d’élèves, aurait eu un conflit d’intérêt. Scrupule délicat qui invite à supposer que la présence de cette dame, tout comme celle d’hommes de loi, visait à maintenir la balance égale entre les listes en présence, en l’absence des opposants. Il n’en était rien, comme on va le voir.

Mme de La Guillonnière commença par déclarer : « A titre personnel, j’ai été la cible d’une campagne d’intimidation, de calomnie, d’injures, de diffamation… qui a été une période douloureuse pour moi, pour mes enfants et mon mari. Je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu. Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un tel déferlement de haine puisse un jour exister. » Emportée par son élan, elle ajouta : « Nous vivons un climat particulièrement menaçant et pesant », avant de préciser d’une voix sépulcrale : « En ce moment même, autour de cette salle sont postés deux officiers de sécurité. » Voilà un petit fait qui a échappé à la sagacité de l’inénarrable Mme Pinilla, pour montrer que le « complotisme » n’est pas l’apanage des soutiens de M. Clément !

Mme de La Guillonière qualifia ensuite la mise à pied de MM. Clément et Ducret de décision « inattendue » qui avait « profondément marqué et choqué ». Mais elle a voté pour au conseil d’administration ! Dire que la décision « nous est complètement étrangère » et qu’elle « a été prise par d’autres » est donc, en ce qui la concerne, un mensonge. En l’évinçant, mais pas les autres membres du bureau, que Mme de La Guillonnière avait négligé d’avertir, les adhérents de l’association ont prouvé qu’en dépit de la rage meurtrière qu’elle leur prête, ils faisaient la part des choses.

Mme de La Guillonnière conclut que « malgré ce climat, nous nous sommes astreints à rester dans la légalité, dans le respect des statuts et du droit ». Serait-ce l’aveu malencontreux que le respect des statuts et du droit ne vont pas de soi d’ordinaire ? La présence inattendue d’un avocat venu plaider en faveur de la présidente, en l’absence d’un autre susceptible de lui donner la réplique, plaide en ce sens.

Après avoir écouté ces propos et assisté à cette mise en scène avec un placidité bovine, Mme Durin prit la parole, faisant remarquer que cette assemblée était « inédite ». Non pas, à l’en croire, à cause de l’absence des candidats au renouvellement… mais des « pressions exercées contre les personnes présentes dans cette salle ». C’est Mme de La Guillonnière qui devait être contente ! Mais l’honnêteté aurait exigé de rappeler que l’Apel sortante avait mené une campagne qui faisait la part belle aux « pressions » en tous genres.

De même, à quoi bon dire que « les personnes qui doivent être révoquées ce soir sont des bénévoles », puisque celles qui aspiraient à les remplacer étaient, elles aussi, bénévoles ? Et qu’est-ce encore que cette invite absurde et lénifiante à « dissocier l’action des personnes », sinon un appel à l’irresponsabilité et une tentative d’embrouille moralisatrice ?

Toutes ces phrases lourdingues et trompeuses ne sont pas le fruit de l’émotion de Mme Durin, qui ne faisait que déchiffrer laborieusement un papier écrit à l’avance. C’est ce qui rend révélateurs les aveux qu’on y découvre. En disant : « Nous sommes là pour accompagner nos établissements et nos Apels », Mme Durin montre qu’elle fait corps avec ce que M. Tranchant nomme la « technostructure » : en principe, les Apels ne représentent pas les établissements, mais les parents ; et les Apels des établissements ne sont pas les filiales de l’Apel de Paris ni de l’Unapel. Mme Durin parle de « volonté d’accompagnement de cet Apel, pour éviter sa destruction ». Mais défendre une Apel contre les parents eux-mêmes, c’est le monde à l’envers ! Remplacer des représentants compromis par d’autres, élus conformément aux statuts, n’est pas une « destruction » mais un renouvellement, et la participation inédite au scrutin est le signe d’une apathie passée et d’une vitalité retrouvée !

Les responsables de l’Apel ont-ils eu conscience de l’effet désastreux que risquait de produire la pitoyable prestation de Mme Durin ? Toujours est-il que, le lendemain de ce spectacle indigeste, l’Apel de Paris se fendit d’un communiqué dans lequel il « rappelait » sa neutralité dans cette affaire, rappel bien nécessaire tant cette neutralité était douteuse. Le lendemain était aussi le jour du vote, et le communiqué ne fut diffusé que dans l’après-midi. Afin, sans doute, que cette « neutralité » d’une nouveau genre n’influe sur les résultats !

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