Les tentacules de la pieuvre (16/02/2017)

Quand j’affirme que des instances cléricales ont entrepris de mettre la main sur toutes les écoles catholiques, d’en définir les orientations, d’en gérer les moyens et, en définitive, de s’arroger un droit de vie et de mort sur elles, je n’invente rien. Il ne s’agit pas d’une simple déduction de ma part. Ce fut un projet avoué et délibéré. Toutefois, c’est au mépris des principes qu’il a été conçu. Et, en raison des résistances qu’il a rencontrées, c’est par la ruse qu’il fut mené à bien.

 

Petite histoire d’une soumission (4)

La mainmise des directions diocésaines sur les écoles se constate tous les jours. Ainsi, lorsque la direction diocésaine d’Arras a refusé d’aider la Providence de Pas-en-Artois, et n’a consenti que l’école continuât de vivre que lorsque les parents eurent faits de leurs blanches mains les travaux nécessaires. Ainsi quand M. Bauquis, directeur diocésain de Cahors et Rodez, a décidé de déplacer le Sacré-Coeur de Sévérac à Laissac (ce n’est là qu’un de ses nombreux forfaits). Ainsi quand M. Canteneur a laissé disparaître Saint-Charles de Vaugirard en empochant l’argent au passage. Les exemples sont nombreux de directeurs diocésains qui se comportent en propriétaires.

Mais, du point de vue du secrétariat général, il ne s’agit pas là d’abus : c’est le fruit d’une politique délibérée, entreprise dès le vote de la loi Debré et sans cesse poursuivie depuis.

De 1964 à 1972, le secrétaire général de l’enseignement catholique fut Mgr Cuminal. Dans une conférence donnée à Sainte-Croix de Neuilly le 14 novembre 1970, il proposait la mise en place d’une grande organisation qui prenne en charge toute la vie temporelle de l’enseignement catholique. On se rappelle que centraliser les moyens accordés par l’Etat et les répartir à sa guise était une demande faite au gouvernement par la conférence épiscopale… mais fermement rejetée par M. Debré.

Pour y parvenir quand même, l’escamotage des parents d’élèves était un préalable. D’abord pour contourner le principe qui fait des parents les seuls éducateurs des enfants. Ensuite parce que les aides de l’Etat ne sont pas attribuées à l’enseignement catholique en tant que tel, qui n’a d’ailleurs pas d’existence légale, mais aux écoles et aux parents : chaque école signe un contrat en son propre nom. Enfin parce que les parents jouaient un grand rôle dans l’organisation antérieure, qu’il était donc urgent de démanteler.

En effet, chaque école a une personnalité morale, détenue par son fondateur ou par le président d’une association ou d’une société : en général des organismes de gestion (O.G.E.C.) ou, pour l’enseignement primaire, une association d’éducation populaire (A.E.P.), qui traitent avec le propriétaire des locaux, embauchent le directeur, assument la responsabilité morale, juridique et financière et emploient le personnel.

Or, ces associations se fédéraient dans une union nationale, l’U.N.A.E.P., dont, fait capital, le président était statutairement le même que celui de l’Unapel. Preuve que l’ancienne organisation reconnaissait le vrai rôle des parents. Preuve aussi ce sont les parents qui aurait dû négocier avec les pouvoirs publics, et non le clergé. En tout cas, l’obstacle état de taille.

Pour le contourner, on fédéra en 1970 les organismes de gestion dans la F.N.O.G.E.C. L’élaboration des statuts prit des années, à cause des résistances des chef d’établissements. Cette fédération avait pour objet ostensible d’aider les écoles. Mais, compte tenu des intentions de Mgr Cuminal, le but réel était de superviser tous les comités diocésains, de devenir l’unique signataire des contrats et le receveur des fonds publics y afférents, l’employeur de tous les professeurs, et si possible le propriétaire des biens des écoles. Les résistances furent grandes, si bien que la F.N.O.G.E.C., au lieu d’absorber les O.G.E.C., en est restée la fédération, en principe indépendante du secrétariat général. Toutefois, le premier résultat fut la disparition de la trop indépendante U.N.A.E.P.

Cela fait, restait à s’assurer la docilité la F.N.O.G.E.C. Pour cela, le secrétariat général étudia à partir de 1973 la mise en place d’une autorité de tutelle, ce qui aboutit à l’invention géniale des C.O.D.I.E.C., dont je raconterai bientôt l’histoire mais dont j’ai déjà parlé (ici http://chroniquedelecolepriveedeliberte.hautetfort.com/ar... et là

http://chroniquedelecolepriveedeliberte.hautetfort.com/ar... ).

Mais d’abord, arrêtons-nous un instant sur cette notion de « tutelle ». Qui place-t-on sous tutelle ? Les enfants, les criminels ou les fous. Etre sous tutelle, c’est perdre la faculté d’agir à sa guise, d’exercer ses droits légaux, de disposer de ses biens. C’est une mesure d’une rare violence. Quel crime les écoles catholiques avaient-elles donc commis pour y être soumises ? Le moins qu’on puisse dire est qu’elles étaient plus catholiques avant de subir cette tutelle qu’après ! En réalité, elles n’avaient aucune raison de l’accepter, ni aucune obligation de le faire. C’est par la ruse qu’on les y a conduites.

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