Ce qui est bien avec M. Canteneur, c’est que tout ce qui sort de sa bouche ou surgit sous sa plume donne l’occasion d’un commentaire. Car, sous un flot de paroles soporifiques, de promesses hypnotiques et de platitudes somnifères, il laisse malgré lui transparaître sa méthode : la prétendue collégialité au service de l’autocratie. La « fusion » des écoles Saint-Louis et Saint-Charles en est un magnifique exemple. La première pièce versée au dossier l’illustre, et les suivantes ne la démentiront pas.
Cinquième épisode
La méthode de M. Canteneur consiste à organiser une apparence de débat, avec le plus d’intervenants possible, au terme duquel la question devient si embrouillée que nul n’y comprend plus rien. C’est ce qu’on appelle la « collégialité ». Il ne reste alors plus au directeur diocésain qu’à se poser en arbitre, et à décider de tout. Au besoin en invoquant l’avis du C.O.DI.E.C., qui, comme je l’ai montré, est fait pour ne jamais être en désaccord avec le directeur diocésain, qui en est d’ailleurs le secrétaire général statutaire. On appelle cela aussi la « collégialité ».
Cette méthode dilatoire fait traîner les choses en longueur, de manière à lasser les opposants (qui, eux, ne sont pas payés à faire ça toute la journée) et à différer toute décision jusqu’au moment où celle que la direction diocésaine a ficelée sorte tout à coup du tiroir et apparaisse comme la seule possible (ce qui est différé, ce n’est pas en effet la décision, mais son annonce). Dans le cas de la « fusion » des écoles Saint-Louis et Saint-Charles, cette méthode a été employé avec un art consommé.
Ces deux écoles ayant des cultures et des pratiques quasi opposées, le point capital, essentiel, aurait dû être de rédiger avec le plus grand soin, et à l’avance, le projet pédagogique. Et de s’occuper ensuite des questions juridiques. M. Canteneur a fait le contraire. La « fusion » des deux entités juridiques (les O.G.E.C.) a été la priorité. La « fusion » des deux Apel est venue ensuite. Quant au projet pédagogique, on s’est contenté de dire : on verra plus tard. On a donc organisé la « fusion » de deux écoles sans dire clairement pour quoi faire.
D’ordinaire, on présente les projets pédagogiques comme la loi et les prophètes, on s’en gargarise, on les cite à plaisir. D’ordinaire aussi, ces documents (qui se ressemblent tous) ne méritent pas tant d’honneur. Ils se contentent d’énoncer des évidences, parfois contradictoires, dans un style assez ambigu pour justifier tout et son contraire, sans jamais servir de document de référence. Pour une fois, on avait l’occasion d’en rédiger un qui veuille dire quelque chose, et qui donne corps aux promesses de M. Canteneur. On s’en est bien gardé.
Pour illustrer cette opération d’enfumage, il suffit de citer le dernier passage de la lettre de M. Canteneur que j’ai gardé pour la bonne bouche. Le voici.
« Au-delà de ces axes directeurs, c’est un nouveau projet éducatif qui est à bâtir. Certains aspects feront l’objet de la réflexion des équipes pédagogiques dès cette année ; d’autres ne seront formulés qu’avec le temps et la mise en route concrète de la nouvelle école. De la même manière, de nombreux points d’organisation pratique et de mise en œuvre du projet sont à décider. Parmi ceux-ci, la question de l’organisation horaire et des rythmes de travail, la collaboration avec les intervenants extérieurs, les modalités d’évaluation, le règlement intérieur, etc. Le choix d’un nom pour l’école est aussi une étape importante pour lui donner une identité. Ces décisions sont de la responsabilité du chef d’établissement après un travail en équipe et la consultation de toute la communauté éducative. Il ne revient pas à la direction diocésaine de les trancher mais ses chargées de mission sont prêtes à apporter leur concours autant que nécessaire. »
Analysons. M. Canteneur parle bien en premier lieu d’un projet éducatif. Mais c’est pour dire qu’on s’en occupera en dernier lieu. On apprend en outre, incidemment, que les parents de Saint-Charles seront invités à inscrire leurs enfants dans une école dont ils ignoreront non seulement le projet éducatif, mais aussi les horaires, le rythme de travail, le mode d’évaluation, le règlement intérieur. Autant de broutilles que M. Canteneur fourre négligemment dans une rubrique qu’il appelle les « points d’organisation pratique ».
Notons que M. Canteneur nomme la directrice, organise la fusion… mais déclare n’avoir rien à dire sur les horaires, le rythme de travail, le mode d’évaluation, le règlement intérieur ! Dans ce cas, selon quels critères nomme-t-il cette directrice ? Et pour quoi faire ? C’est se moquer du monde. Ou lui mentir, car, comme la carrière de la directrice dépend du bon vouloir du directeur diocésain, on devine qu’elle agira en tout point conformément à ses désirs, et non à ceux de l’« équipe pédagogique » ou des parents. Ayons confiance : les « chargées de mission » de M. Canteneur y veilleront « autant que nécessaire ».