Certains signes montrent qu’une guerre secrète fait rage au sein de l’enseignement sous contrat. A Paris, plusieurs établissements résistent à l’hégémonie du directeur diocésain. Le moyen de cette résistance est simple : revenir à la lettre de la loi, et recruter soi-même ses propres professeurs. Saint-Jean de Passy a l’originalité de le faire par voie de petites annonces.
Le concours de recrutement des professeurs de l’enseignement sous contrat est un concours d’aptitude. Etre reçu ne suffit pas : encore faut-il être embauché par un établissement, faute de quoi le lauréat perd le bénéfice de son concours. Je dis bien par un établissement, et non par l’enseignement catholique en tant que tel.
Le système tel qu’il est en place permet à la direction diocésaine non seulement d’écarter les candidats qui n’ont pas l’heur de lui plaire, mais encore de répartir les professeurs où bon lui semble, et parfois même, contre leur gré, en dehors de leur académie (ce qui n’est pas normal).
Apparemment, la réunion de voyants extra-lucides appelée « commission de préaccord » et le travail du responsable des ressources humaines ne sont qu’une simple mutualisation des ressources. Mais le fait de pouvoir répartir les professeurs est en fait un moyen de pression efficace. A un chef d’établissement méritant (ou servile), on accordera des professeurs selon ses goûts. Et inversement: à un directeur désireux d’affirmer le caractère catholique de son école, on refilera des professeurs indifférents, voire hostiles (ce n’est pas ce qui manque). A un directeur qui ne se soucie que des résultats et ne considère l’étiquette « catholique » que comme un label commercial, on attribuera les professeurs les plus désireux de témoigner de leur foi (il y en a encore). Tout cela selon le principe dividere ut regnare.
Comme, en outre, le directeur diocésain a usurpé le droit de nommer le directeurs, il ne lui est de toute façon pas difficile d’imposer sa volonté aux chefs d’établissements, dont il fait les carrières.
Toutefois, certains établissements, notamment du fait de leur forme juridique, sont restés des bastions imprenables. C’était le cas du collège Stanislas (qui est une société anonyme), mais le problème a été résolu par l’éviction de M. Chapellier au profit de M. Gautier, ancien directeur diocésain. C’est le cas de Gerson ; on sait que l’« affaire Gerson » avait pour but l’obtention par la direction diocésaine d’un siège au conseil d’administration (mais la manœuvre n’a pas réussi).
A Stanislas, M. Chapellier, qui ne voulait avoir affaire que le moins possible à la direction diocésaine, ne cessait d’inciter les professeurs à lui envoyer leur candidature. Pourquoi faire, alors que M. Tercinier et ses services se chargent de tout ? Parce que M. Chapellier savait qu’il lui suffisait de réclamer alors les professeurs auprès du rectorat, avec ou sans préaccord, et qu’on ne pouvait pas les lui refuser.
C’est sur ce point que Saint-Jean de Passy résiste aussi. C’est même par petites annonces dans la presse qu’il invite les professeurs à poser leur candidature. Pas dans la Croix, naturellement, mais dans Valeurs actuelles.
La parution de telles annonces est un véritable acte de guerre contre la direction diocésaine. Mais d’autres signes montrent l’esprit de résistance de Saint-Jean. Cet établissement héberge en effet l’Ecole professorale de Paris, dirigée par M. Nemo. Or, selon la loi de 1959, le professeurs de l’enseignement sous contrat sont non seulement recrutés, mais aussi formés selon les modalités imposées par le ministère. Ouvrir une école professorale, c’est affirmer haut et fort que les formations en question ne valent rien ou pas grand’chose. C’est mettre tout le système en question.
Ces petits faits montrent que, derrière le discours unanimiste seriné à longueur de discours et de pages, beaucoup sont conscients de la faillite morale du système d’enseignement sous contrat.