A l’occasion de la rentrée, allons faire un petit tour au Bouscat, petite ville voisine de Bordeaux où se trouve le collège Sainte-Anne, qui dépend de la congrégation des oblates de l’Assomption. Rien que de très recommandable, en apparence, dans ce collège tranquille. Des professeurs dévoués y ont dirigé le projet de l’écriture d’une chanson par les élèves. Pour faire d’une pierre deux coups, cette chanson intitulée Une lumière veille était à la gloire d’une personnalité censée servir d’exemple aux enfants. Mais qui donc ont-ils choisi ?
Cette chanson a été écrite et composée en 2017 dans le cadre d’un « parcours » sur le thème de la seconde guerre mondiale et de la résistance. Il y a eu bien des catholiques engagés dans la résistance. Mais pourquoi choisir un catholique, alors que « l’ouverture à tous » est devenu le mot d’ordre, la loi et les prophètes et le commandement unique ?
Le choix de la personnalité à laquelle il était urgent que les élèves rendissent hommage se porta sur Mme Veil. Chose curieuse, car le destin de Mme Veil est lié non à l’histoire de la résistance, mais à celle de la déportation dont elle a été non une héroïne, mais une victime parmi tant d’autres. Mais son destin n’est-il pas aussi et même surtout lié au vote de la loi de 1976 dépénalisant l’avortement, sans laquelle elle serait restée inconnue ? Cette chanson cultive l’ambiguïté en mêlant allégement les deux sujets.
Pourquoi ne pas parler de Mme Veil ? Il n’est pas nécessaire pour cela de la couvrir d’opprobre et de l’accabler d’imprécations. Il est même possible d’aborder la question en cherchant à comprendre quels étaient les motifs de cette loi et le contexte dans laquelle elle a été votée. Mais aussi en exposant les raisons pour lesquelles les principes évangéliques interdisent de l’approuver. Dans un collège catholique, on pourrait même trouver cela nécessaire.
En tout cas, ce qui n’était pas nécessaire, c’était de canoniser cette personne qui n’en demandait pas tant. Car il s’agit d’un véritable dithyrambe, comme on pourra s’en rendre compte en écoutant la chanson en question ici : https://www.youtube.com/watch?v=rfrUO0_fM44. (Je remarque au passage que les commentaires ont été désactivés.)
Je laisse à Mme Chirold, professeur de français, le soin d’expliquer le sens du mot dithyrambe (elle en profitera peut-être pour expliquer le sens de l’expression « l’avenir avancera »). Pour le reste, je ne commenterai pas les qualités littéraires et musicales de cette chanson. Pour l’écouter, il faut mobiliser toutes les ressources de charité dont on peut disposer.
Cela commence ainsi : « Simone Veil nous enseigne, Simone Veil nous conseille. Simone… veille. » C’est déjà tout un programme, et les rimes sont riches !
Mais qu’a-t-elle donc fait pour mériter d’être donnée en modèle aux élèves d’un collège catholique ? « Dans un monde où règne la peur, elle a défendu ses valeurs. » Là, on ne sait pas très bien si c’est pendant la guerre que la peur régnait, ou en 1976, lors du vote de la loi qui porte son nom. L’équivoque n’est pas vraiment levée : qui répand la peur, Hitler avec Mein Kampf, ou Paul VI avec Humanae vitae ?
« C’est avec des femmes comme celles-là que l’avenir avancera. Souvenez-vous du combat de celle qu’on surnomme l’immortelle. » Il s’agit bien du combat pour la dépénalisation de l’avortement, puisque, pendant la guerre, elle n’a pas combattu (comme M. Conte, professeur d’histoire, ne peut pas l’ignorer).
Mais il ne s’agit pas seulement de se souvenir. Il s’agit de continuer le combat : « La vie mouvementée de cette femme engagée pousse le monde d’aujourd’hui à être solidaire, et à nous souvenir des combats de notre terre. Malgré tant de souffrance, en ce jour en France, dans notre mémoire, sa revanche sur la vie nous donne de l’espoir pour un avenir incertain. »
Par contre, il n’est pas sûr que l’existence de tels projets dans le cadre d’un collège catholique donne de l’espoir pour l’avenir incertain de l’enseignement sous contrat.
A Sainte-Anne du Bouscat, une lumière veille ; mais, apparemment, il ne s’agit pas de celle du cierge pascal.