L’enchanteur Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique et champion de France d’autosatisfaction, se gargarise de l’« accueil de tous » et de l’« attention portée à chacun » qui sont, selon lui, les qualités essentielles des établissements catholiques sous contrat. Parfois, c’est vrai, parfois non. Et on ne voit pas par quel miracle ces qualités seraient absentes des établissements publics, dont les professeurs sont recrutés selon la même procédure. Voici un aperçu de la vie dans un collège catholique sous contrat, vu par un élève inscrit successivement au collège Saint-Géraud de Montbazens et Jeanne d’Arc de Rignac, tous deux dans l’Aveyron et sous la responsabilité d’une vieille connaissance : M. Bauquis.
J’ai été contacté par Roman Laval, ancien élève de Saint-Géraud de Montbazens, puis de Jeanne d’Arc de Rignac. En réalité, il n’a pas changé d’établissement puisque Saint-Géraud et Jeanne d’Arc ne font plus qu’un, bien que les communes de Rignac et de Montbazens soient distantes de 11 km. Les deux établissements ont la même directrice, Mme Prunet, dont on devine que la présence quotidienne au milieu des élèves et des professeurs ne peut qu’être problématique.
Roman est arrivé à Saint-Géraud grâce à M. Casoli, l’ancien directeur, éconduit l’an passé en dépit de la sympathie que les élèves lui témoignaient en raison de son dévouement (http://chroniquedelecolepriveedeliberte.hautetfort.com/archive/2017/03/23/la-bande-a-bauquis-a-encore-frappe-5924591.html). « Saint-Géraud a beaucoup changé depuis le départ de M. Casoli », m’ont confirmé des parents d’élèves et des membres du personnel. Ce dévouement, M. Casoli en avait fait preuve une nouvelle fois en acceptant un élève souffrant de « troubles obsessionnels compulsifs ».
Cet élève s’est lié d’amitié avec un autre élève, d’origine albanaise. Et il semble que ni l’un ni l’autre n’aient baigné dans l’atmosphère d’« attention à l’autre » et d’« accueil de chacun » tant vantée par M. Balmand.
Les remarque désobligeantes viennent d’élèves : « Pourquoi t’es venu ici ? Faut pas venir ici ! » Mais un autre jour, à la cantine, un surveillant les désigne à des élèves de sixième : « Ne vous mettez pas à côté d’eux, ils sont débiles ! »
On sait qu’il existe désormais une heure de « vie de classe ». D’après mon expérience à Saint-Vincent de Paul (Paris treizième), cette heure servait surtout au professeur principal à recueillir des renseignements (ou des ragots) à propos des autres professeurs, qu’il gardait sous le coude pour s’en servir, parfois des semaines plus tard, pour dénigrer ou humilier ses collègues. Passons.
A Saint-Géraud, en « vie de classe », le professeur principal eut l’idée de faire inscrire par les élèves sur de petits papiers le nom de ceux qui les dérangeaient. Ces bulletins anonymes furent recueillis dans une boîte, puis lus à haute voix devant toute la classe, avec un tact, une discrétion et une charité dont je laisse le lecteur juger.
De fil en aiguille, la vie devint impossible pour Roman, si bien que Mme Prunet lui proposa de quitter Saint-Géraud pour Jeanne d’Arc. Mesure facile à prendre, car les deux établissements, objet d’une opération de fusion-acquisition chère à M. Bauquis, n’en font plus qu’un. Ce qui permettait, en l’occurrence, de se débarrasser d’un élève qui n’avait reçu aucun avertissement préalable…
Mon but ici n’est pas de prendre parti par principe pour un élève qui reconnaît : « Je ne suis pas non plus un saint ! » Il est de montrer que ni l’organisation de l’enseignement catholique, ni le mode de recrutement des professeurs, ne garantissent en rien que les promesses d’accueil et de bienveillance seront tenues.
Tiens, à propos de saint… J’ai demandé à Roman de me dire si Saint-Gérau était un établissement catholique. Ils m’a répondu : « Je ne saurais pas vous le dire. » Croyant être mal compris, j’insistai : « Je ne vous demande pas si l’on y trouve une atmosphère catholique, mais s’il se déclare officiellement catholique, ou juif, ou protestant, ou musulman, ou laïc ? » Réponse : « Je ne sais pas. » Il me rappela deux jours plus tard pour me dire : « Je me suis renseigné, ce sont bien des établissements catholiques. »