Le maître d’œuvre de la suppression du collège Sacré-Cœur de Sévérac-le-Château est le directeur diocésain de Rodez, M. Bauquis. Il est temps de faire plus ample connaissance. Car j’ai beau contester le mode d’organisation des directions diocésaines et de l’enseignement catholique en général, il n’en reste pas moins que les directeurs diocésains sont des hommes. Et je me réjouis de reconnaître en M. Bauquis un spécimen typique de cette corporation, que malheureusement Balzac n’a pas répertoriée dans la Comédie humaine. Cette lacune est aujourd’hui comblée.
En septembre 2013, dans sa conférence de rentrée, rapportée par la Dépêche du Midi, M. Bauquis déclarait : « Si nous sommes dans l’éducation nationale, si on recherche le plus de cohérence avec l’enseignement public, on existe aussi par notre originalité et notre projet qui doit permettre aux familles d’avoir le choix ». Selon M. Bauquis, l’enseignement catholique fait donc d’abord partie de l’éducation nationale, et existe aussi, concède-t-il, par son « originalité » et son « projet » qui doit permettre aux familles d’avoir le « choix ». Bien entendu, le « projet » et l’« originalité » de l’enseignement catholique ne sont pas définis, mais ce flou est une habitude de la part des administrateurs de l’enseignement catholique.
Avant d’indiquer que les familles doivent avoir le « choix », M. Bauquis dit qu’il « recherche le plus de cohérence avec l’enseignement public ». C’est ce qui explique que le rectorat ait approuvé le projet de suppression du Sacré-Cœur de Sévérac-le-Château avant la direction diocésaine elle-même (par le biais du C.O.D.I.E.C., organisme dont je parlerai bientôt). A Sévérac, il y a déjà un collège public : pourquoi en effet le collège privé, par souci de « cohérence », ne lui céderait-il pas la place ? Le « choix » des parents passe après.
M. Bauquis fait mine de définir le projet de l’enseignement catholique: il « doit aider les jeunes à se construire avec un savoir-être puisé dans les valeurs chrétiennes qui nous animent : sens de l’effort, sens de la relation, sens du partage. » Quel style ! Et quel fond… Car faire du sens de l’effort, de la relation, du partage, l’apanage des chrétiens, c’est à la limite de l’affront envers ceux qui ne sont pas chrétiens, ici qualifiés, par déduction, de paresseux, revêches et égoïstes…
On me répondra que, même non croyants, les Français sont pétris de ces valeurs chrétiennes. A la bonne heure ! Mais alors, ces valeurs animent aussi bien les établissements laïcs ? Et comme M. Bauquis, évoquant la charte de la laïcité, parle « des valeurs de la république auxquelles nous adhérons », on ne sait plus en quoi les valeurs pourraient animer une école catholique diffèrent de celles que les écoles publiques professent ou appliquent. Plutôt que de vagues valeurs, ne serait-il pas plus clair – et plus juste – de parler de la foi catholique ? Une vaine parole de plus ne lui coûterait pas plus cher, et cela ferait plaisir aux catholiques véritables. A moins que… ce gros mot ne nuise à la bonne marche des affaires, en faisant fuir des clients ? Ou ne risque de froisser l’enseignement public avec il cherche la « cohérence » avec tant de zèle ? Et non sans succès, puisque cette cohérence va jusqu’à la confusion.
A tel point que M. Bauquis, déclare approuver la charte de la laïcité, quoique « en partie seulement ». Mais de quoi se mêle-t-il, puisqu’elle ne s’applique pas à l’enseignement privé ? « Elle ne peut s’appliquer complètement à l’école catholique », déclare-t-il. Et pour cause : elle ne s’y applique pas du tout ! Heureusement, le secrétaire général, M. Balmand, a répondu aux vœux de M. Bauquis et entrepris de combler cette lacune.
La conclusion ? M. Bauquis l’a donnée dans sa conférence de presse de rentrée de l’année suivante : « Nous sommes en contrat d’association, et donc une école de la république. »