Voilà que M. Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique, découvre la réalité de la situation de l’enseignement sous contrat. C’est ce qui ressort de son dernier « point presse ». Il aurait bien voulu être, pour le ministre de l’éducation, un partenaire. Mais ce n’est pas du tout ce que prévoit la loi Debré de 1959, qu’il invoque bien mal à propos.
Dans son « point presse » du 3 octobre 2017, M. Balmand commence par dire qu’il n’a « pas la religion des chiffres », car, dit-il, « nos établissements ne sont surtout pas des entreprises engagées dans une logique de conquête de parts de marché ». Selon une logique imparable, il enchaîne : « C’est pourquoi je me réjouis de voir que nos effectifs poursuivent leur très nette progression. » Il parle du nombre d’élèves inscrits, on l’aura compris, pas du nombre de vocations suscitées par les écoles catholiques.
Quant aux difficultés que rencontrent les écoles sous contrat, elles sont (à l’en croire) purement financières, budgétaires, pécuniaires, salariales. Le fric, quoi. La rémunération des suppléants ; la disparition des contrats aidés ; les subventions à l’enseignement agricole. Mais chacun des ces problèmes de fric, explique M. Balmand, « pose une question politique de fond : oui ou non, l’école catholique est-elle considérée comme un véritable partenaire ? » Il se plaint de ne pas avoir été invité à la consultation du ministère de l’enseignement supérieur sur l’accueil et la réussite des étudiants en premier cycle ; il se plaint que le ministre n’ait pas répondu à la lettre qu’il lui a écrite pour s’en étonner. C’est bien mal récompenser, en effet, la servilité de M. Balmand et de ses prédécesseurs.
M. Balmand croit asséner un argument massue en disant : « Sommes-nous perçus comme des partenaires, quand des recteurs d’académie ignorent délibérément la notion de besoin éducatif reconnu, pourtant clairement exprimée dans la loi Debré ? » Excellente question, mais à laquelle la réponse est à l’opposé de ce qu’il suggère.
La loi Debré n’autorise en effet la signature d’un contrat avec une école privé qu’en cas de « besoin éducatif reconnu ». Reconnu, mais par qui ? La loi n’énonce aucun critère objectif, et ne désigne aucun organisme public ou indépendant pour le faire. Ce droit appartient donc tout entier à l’un des signataires du contrat : le gouvernement, ici représenté par le recteur d’académie.
S’il n’en était pas ainsi, ce serait à l’autre partie – l’école – de décider si, oui on non, elle doit recevoir une subvention, ce qui serait absurde. Ou encore à une instance d’arbitrage dont la loi ne souffle pas mot. Une autre solution aurait été que tout établissement puisse de plein droit recevoir une subvention, dès lors qu’il remplirait les critères requis. C’est justement pour éviter ça qu’on a introduit cette notion de « besoin reconnu ». Pourquoi s’en plaindre ? Il fallait y penser avant d’approuver la loi et d’enjoindre aux écoles de signer les contrats.
C’est donc bien à tort que M. Balmand invoque la loi Debré. Celle-ci ne désigne nullement l’enseignement privé comme un « partenaire » de l’éducation nationale. Elle réaffirme même subrepticement le monopole étatique sur l’école, notamment grâce à cette notion de « besoin éducatif » unilatéralement « reconnu ».
L’enseignement privé n’est pas un partenaire. Il est un supplétif.