J’ai dit de M. Bauquis, directeur diocésain de Rodez, qu’il avait un esprit d’épicier ; je me suis trompé : il a une âme de maquignon. Laissac est en effet connue pour sa foire aux bestiaux, et je ne doute pas que M. Bauquis, bien qu’il soit étranger au pays, ne s’y sente à son aise. Le maire de la commune et lui-même parlent le même langage, comme on va le voir.
Troisième épisode
A propos de la suppression du collège Sacré-Cœur de Sévérac-le-Château et de sa miraculeuse réincarnation à Laissac, quelle est question à se poser ? Sans doute pas « Cherchez la femme ». Serait-ce alors : « Suivez l’argent » ? Intéressant, mais ce sera pour plus tard. Pour l’instant, demandons-nous plutôt : « A qui profite le crime ? »
Il profite en premier lieu à Laissac. Dans les colonnes de Centre-Presse du 3 février, M. Salles, maire de cette commune, ne cachait pas sa joie : « Il était temps que nous disions combien nous sommes, avec la population, ravis de cette décision. » La commune dit avoir été « étrangère à cette décision » qui relève toutefois, selon elle, du « simple bon sens ». Quoique satisfaite d’empocher le butin, elle clame donc son innocence.
Elle a raison. Le coupable ne s’est jamais caché : il s’agit de M. Bauquis, qui affirmait dès son arrivée à la direction diocésaine vouloir « en finir » avec les établissements isolés. Et tant pis pour l’opinion et même les droits des écoles elles-mêmes et des parents. De ce côté, il n’avait d’ailleurs rien à craindre : jamais on n’a vu l’Apel nationale venir au secours d’une Apel locale (dont elle empoche pourtant une partie des cotisations).
On apprend au passage que M. Fouet, membre du « comité de pilotage » bricolé par M. Bauquis, siège aussi au conseil municipal de Laissac… et aussi du nouvel O.G.E.C. du Sacré-Cœur ressuscité. Détail intéressant à plusieurs titres. On remarque notamment que, bien qu’on parle de « transfert » du Sacré-Cœur de Sévérac à Laissac, il semble bien y avoir deux O.G.E.C. distincts. Ce qui indique qu’il s’agit bien d’une suppression, puis de la fondation d’un autre collège sous le même nom.
Comme larrons en foire, le maire de Laissac et M. Bauquis sont faits pour s’entendre. Ils parlent le même langage, qui a malheureusement perdu la saveur de celui qu’on parle à la foire aux bestiaux pour imiter le jargon du voyageur de commerce. M. Salles parle de « zone de chalandise » et de « redéploiement de l’offre » vers un « vrai potentiel », ce qui conviendra à M. Bauquis, soucieux quant à lui de placer sa « gamme de produits » dans une « offre cohérente ».
Et voici ce qu’on lit dans Centre-Presse : « La satisfaction est d’autant plus grande que Laissac s’est battu durant des années pour obtenir un collège public. » Mais « l’éducation nationale n’a jamais donné suite ». Qu’à cela ne tienne ! M. Bauquis, qui considère que l’enseignement catholique « dans l’éducation nationale » et qu’il est « l’école de la république », se chargera de la besogne. L’académie a tout à y gagner : après tout, un collège privé sous contrat coûte moins cher qu’un collège public, et le secrétariat général de l’enseignement catholique comme l’Unapel font preuve, devant les réformes, d’une grande docilité. Et comme M. Bauquis ne prononce le mot « catholique » que dans les cas d’extrême urgence, personne ne verra la différence. Et tout ça sans un seul jour de grève… C’est-y pas joli ?
Un autre fait donne du poids à cette observation : il se trouve que Sévérac compte un collège public. Le départ du Sacré-Cœur lui laissera le champ libre. Donnant, donnant, et tope là ! Merci qui ?
M. Bauquis rend ainsi un double service au rectorat : l’un à Sévérac, où il cède la place ; l’autre à Laissac, où il bouche les trous. Nul doute que ces petites faveurs ne recevront un jour leur récompense. C’est ce que je disais : à qui profite le crime ?