Les statuts de l’enseignement catholique prévoient que les directeurs diocésains soient nommés par l’évêque. C’est fort bien dit, mais comment cela se passe-t-il en réalité ? Selon quels critères les évêques choisissent-ils, et quelle est leur marge de manœuvre ? Dans bien des cas, elle est faible, et tout est organisé pour qu’elle le soit. Quand un nouvel évêque est nommé, il est d’ordinaire curé de paroisse (et parfois vicaire général). Comment aurait-il dans sa manche une personnalité capable de tenir le rôle de directeur diocésain ? Qu’à cela ne tienne ! Il existe une administration toute disposée à le tirer de ce mauvais pas : le secrétariat général de l’enseignement catholique.
Prenons un cas dont je ne me lasse pas, celui de M. Bauquis. Etant directeur diocésain non seulement de Rodez, mais aussi de Cahors, c’est par deux évêques qu’il a dû être nommé. Comment s’y sont-ils pris ? Vraisemblablement, de la manière la plus simple du monde : ils ont agréé le candidat du secrétariat général. Et le tour a été joué.
De cette administration, M. Bauquis est un apparatchik. D’abord professeur, il a été conseiller de gestion de l’Urogec de Franche-Comté avant de servir « au national », selon son élégante expression, au sein de la Fnogec. Voilà qui explique que ses nombreuses conférences de presse se caractérisent par un torrent de chiffres. Mais cela ne répond pas à la question : comment Mgr Camiade, évêque de Cahors, et Mgr Fonlupt, évêque de Rodez et Vabres, ont-ils eut vent de son existence ? Mgr Fonlupt vient du diocèse de Clermont, et il est peu probable que sa mission d’aumônier de lycée, qui a pris fin en 1986, l’ait alors conduit à le rencontrer. La conclusion à en tirer est que qu’il s’est contenté d’agréer le candidat servi sur un plateau par le secrétariat général. Il l’a donc bien nommé, mais dire qu’il l’a choisi reste à voir.
Quant à Mgr Camiade, il est issu du diocèse d’Agen, bien loin, là encore, de la Franche-Comté. Et quand il est devenu évêque en 2015, M. Bauquis était en place depuis près de trois ans. De plus, celui-ci étant directeur interdiocésain et non diocésain, si Mgr Camiade avait voulu s’en défaire, comme il en a le droit, que se serait-il passé au cas où Mgr Fonlupt n’avait pas été d’accord ? Le choix aurait pu être épineux… mais ne l’a pas été puisqu’il n’y en a pas eu ! Accepter les yeux fermés le candidat du secrétariat général évitait aux deux évêques bien des tracas.
Les évêques ont-ils d’ailleurs lu les épais statuts de l’enseignement catholique ? Ils sont faits pour ne pas l’être. Les clauses abusives et scélérates y sont noyées au milieu de clauses oiseuses avec un tel art que la volonté de décourager le lecteur, et même de le tromper, est la seule chose qui saute aux yeux à la lecture de ce pensum. O.G.E.C., Urogec, Fnogec : les structures qui s’emboîtent les unes dans les autres finissent par donner un pouvoir sans contrôle aux dirigeants de ces associations, qui parviennent au sommet par un jeu savant de cooptations. M. Bauquis, qui déclare être « sensible au travail en réseau », a dû s’y trouver comme un poisson dans l’eau.
Lors de sa nomination, il avouait d’ailleurs naïvement avoir « souhaité passer un nouveau cap ». Autrement dit, on n’est pas allé le chercher parce que les évêques de Cahors et de Rodez cherchaient un directeur diocésain, et qu’il se trouvait correspondre à leurs vœux. On l’a fourgué à ces deux évêques parce qu’il cherchait un poste. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
Quand le mandat du directeur diocésain prend fin, le plus simple est de nommer son adjoint à sa place, conformément à l’usage de nomination sans choix. C’est ce qui s’est passé à Paris au départ de M. Gautier, remarquable à plus d’un titre. Celui-ci poussa en avant son fidèle second, M. Canteneur, qui lui succéda en effet. Profitons-en pour rappeler qu’en principe, cet adjoint au directeur diocésain est nommé par l’évêque. Mais il est vraisemblable que cette nomination avait été, encore une fois, habilement suggérée, car M. Canteneur fait partie des membres d’une petite bande dont les carrières ont pour passage obligé Saint-Joseph de Reims, dont M. Gautier fut directeur.
La vérité oblige cependant à dire que cette succession dynastique ne fut pas aussi facile que prévu. Des oppositions se firent entendre, si bien qu’elle resta quelque temps en suspens (ce qui suggère que l’auteur de cet article n’est pas le seul à se rendre compte de ce qui se passe). Mais c’est une autre histoire…