A la surprise générale, M. Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique, vole au secours des écoles hors contrat. Que penser de cette généreuse initiative ? Qu’elle n’est peut-être pas aussi désintéressée que cela. Elle exprime, sous une forme à la fois habile et sublime, les petites inquiétudes qui le taraudent en secret depuis sa servile approbation de la réforme du collège.
D’ordinaire, l’attitude de l’enseignement catholique (ou de l’administration qui porte ce nom) envers les écoles hors contrat oscille entre le mépris et la suspicion. En 2010, M. Mirieu de Labarre, alors secrétaire général (après avoir été, fait curieux à souligner, président de l’Unapel), répondait au Figaro en ces termes : « Une centaine d’établissements se prévalent d’un caractère catholique. […] Le phénomène est marginal. Et il n’y a donc pas lieu de raisonner en termes de concurrence. » Il ne leur reconnaît donc pas franchement de caractère catholique, admettant tout juste qu’ils « s’en prévalent ». Ce chiffre d’une centaine, il faudrait le multiplier aujourd’hui par trois, quatre ou cinq… Concurrence modeste, en effet. Mais de moins en moins. Sans compter que ces écoles attirent les forces vives des écoles sous contrat : ceux dont la présence, en dépit des innombrables renoncements du secrétariat général, permettent encore de discerner, parfois, quelque chose de catholique dans les écoles qui affichent officiellement cette appellation.
Voilà pour le mépris. Quant à la suspicion, M. de Labarre déclarait : « Le risque que nous voyons à l’émergence d’établissements hors contrat catholiques au sens le plus étroit du terme, c’est que leurs élèves vivent dans un univers complètement clos... » On appréciera la perfidie de l’expression « catholique au sens le plus étroit », qui serait un « risque ».
Pour ce qui est de savoir si le contrat d’association avec l’Etat était « un carcan », M. de Labarre répondait : « Pas du tout. » Mais si. A tel point que la réforme du collège va contraindre certains établissements, pour continuer à dispenser les mêmes enseignements, à le faire… hors contrat. Soit en ouvrant purement et simplement des classes hors contrat ; soit en offrant des cours, de latin ou d’allemand, par exemple, moyennant une contribution supplémentaire. Et que se passera-t-il si le ministère décide de refuser l’ouverture de ces classes ?
Elles existent d’ailleurs déjà. Lors de mon bref passage dans l’enseignement sous contrat, je donnais, en plus de mes heures sous contrat, deux heures de cours hors contrat, payées directement par l’O.G.E.C. Il s’agit en général de classes destinées aux élèves présentant des difficultés particulières, ou encore de classes post-bac. C’est marginal, donc toléré. Mais quand il s’agira non plus d’aider les handicapés ou les paumés, mais de continuer à offrir d’alléchantes options que les établissements publics n’offriront plus, cette tolérance durera-t-elle ? Enfin, il faut cinq ans d’existence à une école privée avant de pouvoir demander un contrat. Toute école sous contrat a donc d’abord été… hors contrat.
Pour toutes ces raisons, la liberté d’enseignement concerne bel et bien l’enseignement sous contrat. C’est ce qui suscite l’inquiétude de M. Balmand. Il ne vole pas au secours des écoles hors contrat, mais à son propre secours. L’essentiel étant de ne pas paraître se déjuger de son approbation de la réforme du collège, qu’on hésite à qualifier d’imprudente (vis-à-vis des parents mécontents) ou de prudente (face aux menaces du gouvernement).