Bravo, Mme Saliou ! C’est avec enthousiasme que je joins ma voix à celle de Mme Vallaud-Belkacem et de M. Peillon pour vous féliciter de votre brillante réélection, si méritée en même temps qu’inattendue, à la tête de l’Apel nationale. La quasi-unanimité des voix qui se sont affectueusement blotties autour de votre nom illustre à merveille le concept balmandien de « diversité rassemblée ». Mon admiration pour vous, qui n’êtes pas seulement décorée, mais décorative, s’en trouve décuplée. Enthousiaste, mais critique : telle est ma devise. C’est pourquoi, sans que cela diminue d’un millimètre la hauteur de mon admiration, je dois vous dire la vérité.
La vérité est que je suis inquiet. Et mon devoir est de vous le dire, car je ne suis pas de ceux qui se contentent de flatter les puissants, mais qui, pour leur bien, osent dire ce que taisent les courtisans qui les entourent. Sinon, j’aurais été coopté, comme eux, pour me rendre à Marseille et jouir de votre triomphe de mes propres yeux.
Mon sujet d’inquiétude, le voici. Comment a-t-il pu se faire que près de 13 % des votants (on n’ose pas les appeler « électeurs ») aient pu voter pour quelqu’un d’autre que vous ? Que des factieux aient ainsi pu se faufiler parmi les représentants de l’Apel, cela dénote un certain relâchement dans l’organisation.
Je vous en conjure donc : ne vous laissez pas impressionner par ces 13 % de brebis galeuses qui se sont mêlées au troupeau docile qui paît sous votre houlette. Vous savez que de basses manœuvres ont permis aux adhérents de l’Apel de connaître, plus d’une semaine à l’avance, le nom des candidats qui se présentaient contre vous. Et que ces candidats se sont permis de diffuser, sur les modalités du vote, des renseignements en principe réservés à ceux qui font preuve de cet esprit que vous qualifiez si justement de « constructif » et de « positif ». Peut-être devez-vous mieux faire connaître les beautés de votre action. Je suggère, par exemple, que vous portiez la longueur de votre éditorial dans Famille et Education à deux pages entières au moins, afin que nous ayons, nous autres lecteurs fervents, le plaisir de goûter plus longtemps la douce musique de votre prose, qui est à nos oreilles la plus douce des berceuses. Vous pourriez, bien entendu, rédiger ce journal entièrement de votre propre main, mais ce serait excessif, et, tout comme vous, je suis ennemi de tout excès.
Puisque nous parlons de la presse, avez-vous remarqué que Famille chrétienne s’est permis de se faire l’écho de quelques mécontentements parmi les adhérents (dans le but, n’en doutons pas, d’inviter ces pécheurs à s’amender) ? Sans vouloir vous froisser, je souligne que M. Balmand (lui aussi récemment et opportunément reconduit à la tête du secrétariat général) a réussi à faire passer sous silence les pressions exercées par le ministère sur l’organisme qu’il préside. Il serait bon qu’à l’avenir, quand ils prennent la liberté de parler de l’enseignement catholique et ses annexes, les organes de la presse catholique s’en tiennent à leur mode d’information traditionnel, à savoir : un entretien déférent et dépourvu de commentaire. Je suis sûr que vous savez à qui vous adresser pour qu’il en soit ainsi. Si ce n’est pas le cas, M. Balmand vous renseignera.
C’est ainsi que vous resterez fidèle à la ligne de conduite qui vous a si bien réussi, forte d’une impartialité qui vous rend sourde aux récriminations des parents, mais attentive à l’avis de ceux qui comptent vraiment. N’écoutez pas les oiseaux de mauvais augure et les esprits chagrins qui s’opposent, presque par principe, à toutes les réformes que le ministère distribue aussi généreusement que des médailles. Tenez bon !