Depuis que M. Malcouronne a annoncé la constitution d’une nouvelle association de parents d’élèves, Parents pour l’école, Mme Saliou et M. Balmand ne sont pas contents. Qu’ils soient contents (de la réforme du collège, par exemple) ou non, ils le disent toujours le même jour et avec les mêmes mots. Et c’est toujours le même mélange poétique de tautologies appuyées sur de fausses vérités. Deux voix… et toujours la même chanson. Ecoutons ces fameux duettistes dans leur dernier spectacle, intitulé : la Diversité rassemblée.
Mme Saliou dit : « Nul ne saurait remettre en cause la liberté de tout citoyen et de tout parent de fonder une association ou d’y adhérer. » Et M. Balmand dit : « La liberté des parents et la liberté d’association vont l’une et l’autre de soi. » Ça ne coûte rien puisque, même si cette liberté n’allait pas de soi, ils n’y pourraient rien.
A leurs yeux, en fait, elle ne va pas de soi. Mme Saliou dit que les Apel ne revendiquent « aucun monopole » mais précise que « l’enseignement catholique […] réaffirme que l’Apel est, en son sein, la seule association représentative ». L’Apel ne revendique aucun monopole. Juste d’être la seule. M. Balmand, lui, défend le pluralisme… à sa façon : « La question qui se pose n’est pas celle du principe de pluralisme, mais celle des modalités de sa mise en œuvre... Au pluralisme incarné par l’existence de plusieurs associations électoralement concurrentes s’oppose donc ici le pluralisme d’une diversité rassemblée. » Pas de monopole, là non plus. Il s’agit d’une « diversité rassemblée », sorte de synonyme du centralisme démocratique. M. Balmand a-t-il fait ses études à Moscou ?
Quel est le rôle de cette Apel unique auprès du secrétariat général ? Tout approuver. Mme Saliou le dit : « Cette reconnaissance suppose qu’en contrepartie, comme l’affirment ses propres statuts, l’Apel soutienne le projet de l’enseignement catholique. » M. Balmand est d’accord, disant que l’Apel est « statutairement et concrètement attachée à soutenir et à promouvoir le caractère propre et le projet de l’enseignement catholique ».
Bizarrement, de cette obligation statutaire de soutenir le « caractère propre » et le « projet » de l’enseignement catholique, M. Balmand déduit que l’Apel doit être non confessionnelle. On en déduirait au contraire volontiers l’obligation d’être confessionnelle ! Paradoxe ou… entourloupe ?
Entourloupe. Car le « projet » de l’enseignement catholique n’est pas, justement, d’être catholique. C’est ce qu’il devrait être. Dans ce cas, ce projet serait contenu tout entier dans le mot « catholique », et le secrétariat général n’aurait besoin ni de statut, ni de projet. Il laisserait le catholicisme être vécu par chaque école dans sa diversité et dans la communion – pas dans la sujétion à une administration elle aussi monopolistique. Il n’aurait donc même pas besoin d’exister !
Or le projet qu’il a rédigé (dont les « projets pédagogiques » de chaque école répètent les termes à l’envi) s’ingénie à traduire en terme flous, fumeux, ambigus et inopérants le contenu du catholicisme, de manière que le caractère catholique disparaisse sous les apparences des effets secondaires et des produits dérivés d’un vague humanisme d’inspiration plus ou moins chrétienne.
Fait révélateur, le point qu’on met le plus volontiers en exergue est que l’enseignement catholique est « ouvert à tous ». Mais ce n’est pas parce qu’il est catholique qu’il est ouvert à tous. C’est parce que la loi Debré de 1959 lui en fait l’obligation. L’enseignement public, lui aussi, est ouvert à tous. Par conséquent, en quoi ce qui est le principal point commun entre l’école sous contrat et l’école publique peut-il résumer le fameux caractère « propre » ?
Etre seul représentatif n’est pas un monopole, nous a-t-on dit. On nous explique maintenant que ce qui est propre à chacun est ce qu’ils ont en commun ! De qui se moque-t-on ?
Des parents, notamment. Mais aussi des évêques. Plus ils tiennent à une Apel non confessionnelle, plus Mme Saliou et M. Balmand en invoquent le patronage, sous les espèces du « statut récemment révisé et promulgué par la conférence des évêques de France », selon Mme Saliou, et des « choix clairement confirmés par les évêques dans le statut de 2013 », selon M. Balmand. On croirait que ce statut figure sur les tables confiées à Moïse sur le mont Sinaï. Ou qu’il découle d’une austère et patiente étude du droit canon. En fait, ce galimatias d’apparence juridique, volontairement obscur, bafoue tous les principes catholiques en matière d’éducation, et viole la hiérarchie de l’Eglise : une assemblée d’évêques n’a le droit de prendre aucune décision qui s’impose à chaque évêque dans son propre diocèse.
Le plus beau est que ce statut, loin d’avoir pour but de limiter les prétentions du secrétariat général, a été rédigé… sous la dictée du secrétariat lui-même (dont M. Balmand en personne) ! C’est sous la pression, et bien à contrecœur, qu’il a d’ailleurs été révisé de manière à en limiter (un peu) les prérogatives exorbitantes.
Bon prince, je laisse la conclusion du spectacle à M. Balmand : « Chacun d’entre vous mesure l’importance de ces enjeux. »